Le vélo comme objet

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Pourquoi cet article?

Le vélo est un objet mécanique, un objet d'émancipation, un objet symbolique... Mais aussi un objet comme un autre, un objet de consommation, de disign, obsolescent, etc. C'est pourquoi dans cet article nous nous intéresserons à ce que les Sciences Humaines disent des objets. Un petit détour nous aidera peut-être à mieux comprendre certaines choses.

Bibliographie

  • Papanek Victor, Disign pour un monde réel, Les presses du réel, 2021

-Quel est la fonction social du disigner? Son rôle se résume t-elle à booster la consommation en rendant les objets plus désirables? Pour Victor Papanek le disigner doit chercher la meilleure forme, la plus simple, la mois dommageable pour environnement, la plus accessibles, la plus adaptée à la culture des utilisateur-ices... Pour lui l'objet devrait être fabriquer avec les utilisateur-ices, en discussion permanente. Et, un grille-pain n'a pas besoin d'être aérodynamique, car il ne vole pas!

  • Guien Jeanne, Le consumérisme à travers ses objets, Divergences, 2021

-L'anthropologue Jeanne Guien retourne les évidences : On nous raconte souvent qu'on produit des objets pour répondre à des besoins des consommateurs, mais on en produit aussi pour que les industriels occupent les machines, les travauilleur-ses et trouvent de nouveaux débouchés... Elle mène sa recherche depuis la poubelle, quels sont les objets jetés et pourquoi? https://www.arte.tv/fr/videos/108567-011-A/pourquoi-a-t-on-besoin-de-jeter/

  • Denis Jerôme, Pontille David, Le soin des choses, politiques de la maintenance, La Découverte, 2022

-Réparer, entretenir, prendre soin des objets conduit à un nouveau rapport avec eux. Entretenir permet de comprendre, d'accompagner, de faire durer. L'entretien et la maintenance est une pratique modeste, discrète, peu valorisée, mais indispensable pour que les choses fonctionnent (ils suffit de penser aux réseaux d'eau, d'électricité, aux bâtiments, etc). Les deux sociologues s'appuient et développent les travaux de Mierle Ukeles Laderman. Alors que l'innovation et le changement permanent sont le leitmotiv du capitalisme, l'entretien pourrait s'avérer plus nécessaire à l'heure des désastres écologiques et sociaux! https://www.arteradio.com/son/61678248/c_est_mieux_quand_ca_dure_prendre_soin_des_objets

  • Ukeles Laderman Mierle, Manifesto for maintenance art, 1968

- L'artiste et féministe Mierle Ukeles visibilise dans ses performances le travail invisible de celles et ceux qui entretiennent. "Qui nettoie le musée? Qui ramasse les poubelles ? Comment travaillent les pompiers ? Qui s'occupe des enfants ? etc." Son travail s'efforce de mettre en avant les problématiques négligées au sein de l'espace social, en particulier les échelles de légitimé entre les professions, notamment en regard du travail ménager et des bas salaires.

  • Bonzi Bénédicte, La France qui a faim, Seuil, 2023

-L'anthropologue Bénédicte Bonzi réfléchi au don : "Qui donne ? Qu'est-ce qui se donne ? A qui ? etc." Elle interroge le don de temps des bénévoles du Restaurant du Cœur, ainsi que le don de nourriture par les entreprises et l'Etat (les entreprises defiscalisent en "donnant" et trouvent par leurs dons des débouchés à leurs invendus et aux produits de mauvaises qualités). Tous les dons sont-ils de même nature ? Changent t-ils l'ordre des choses ou bien le renforcent t-il?

  • Jarrige François, On arrête (parfois) le progrès, La Découverte/Décroissance, 2022

-L'historien déclare que les inventions arrivent dans un contexte socio-historique déterminé. Certaines inventions rencontrent le succès, d'autres non. Le progrès est souvent présenté comme irréversible et inévitable or il est souvent à la base le point de rencontre de rapport de force, d'orientations de la société, etc. Qui gagne/perd à chaque progrès ? (il suffit penser à la main d'oeuvre déplacée/utilisée, à la Terre qu'on creuse, aux cours d'eau pollués, etc.)

  • Biss Eula, Avoir et se faire avoir, Payot-Rivage, 2022

-Une autrice interroge ses objets et avec eux, sa maison, ses goûts, sa classe, son genre, ses relations amicales, les cadeaux offerts ou reçus, etc. Quels liens a t-elle avec les objets?

  • Enon David, La vie mode d'emploi, Carnets parallèles, 2021
  • Bartholeyns Gil, charpy Manuel, L'étrange et folle aventure du grille-pain, de la machine à coudre et des gens qui s'en servent, Carnets parallèles, 2021

-On invente des objets. Les gens s'en servent comme ils peuvent en fonction de leur représentation sociale. Les auteurs racontent comment les personnes apprivoisent les objets, ils disent tous les allers-retours (fascination, sentiment de perte de liberté et d'autonomie, détournement, indifférence, etc.)...

  • Le Meur Mikaëla, Le Mythe du recyclage, Carnets parallèles, 2021

-L'autrice pose la question: "L'économie circulaire est-elle bien circulaire?". Avec l'exemple du plastique envoyé au Vietnam, elle raconte la noria du transport, les petites mains (femmes, vieux, minorités ethniques) qui trient dans les montagnes d'ordures, les odeurs putrides, les pollutions environnementales, les inégalités sociales que cette filière génère, les bénéfices (et les risques) mal partagés, et au final la création d'objets recyclés de moindre qualité destinés aux Pays du Sud. La propreté chez les un-es devient l'enfer pour d'autres.

  • Edgerton David, Quoi de neuf? Du rôle des techniques dans l'Histoire globale, Seuil, 2013
  • Bosqué Camille, Disign pour un monde fini, Carnets parallèles/La vie des choses, 2024.

-Quel est le rôle des disigners à l'heure des désastres écologiques ? Comment repenser notre rapport aux objets ? Moins, mieux, plus réparables, mutualisables, etc.

  • Ouassak Fatima, Rue de passage, Lattes, 2024

-L'autrice évoque les petits métiers pratiqués par des travailleur-ses immigré-es en France. En le faisant, elle leur redonne vie, les valorise, les visiblise. Elle dit aussi leur fonction social. Dans son récit les métiers et les objets fabriqués permettent de faire communauté. L'atelier et la boutique sont des lieux de rencontres, des repères culturels...

  • L'Atelier de Bidouille Libre de Grenoble (ABIL), L'Atelier Fluo, L'Alternateur, La Mathériothèque de Fontaine, uN peTit véLo dAnS la TêTe, "Nous ne sommes pas des fablabs",autoédition, février, 2021.

-Le capitalisme a tendance à récupérer la critique, notamment celle de la consommation et de la production. Dans ce texte-manifeste remarquable des ateliers réaffirment leur vocation sociale, solidaires et subversives. Ils déclarent, par exemple, qu'ils sont ouverts à tous les publics, qu'ils souhaitent diffuser des savoirs émancipateurs, qu'ils s'inscrivent dans une démarche d'éducation populaire... En cela ils se distinguent des ateliers où toute la place est donnée à la technique, mais où l'utilité de celle-ci n'est pas questionnée.

  • Linhardt Robert, L'établi, les éditions de minuit, 1981

Extrait de la quatrième de couv': "L’Établi, ce titre désigne d’abord les quelques centaines de militants intellectuels qui, à partir de 1967, s’embauchaient, “ s’établissaient ” dans les usines ou les docks. Celui qui parle, ici a passé une année, comme O S. 2, dans l’usine Citroën de la porte de Choisy. Il raconte la chaîne, les méthodes de surveillance et de répression, il raconte aussi la résistance et la grève. Il raconte ce que c’est, pour un Français ou un immigré, d’être ouvrier dans une grande entreprise parisienne. Mais L’Établi, c’est aussi la table de travail bricolée où un vieil ouvrier retouche les portières irrégulières ou bosselées avant qu’elles passent au montage. Ce double sens reflète le thème du livre, le rapport que les hommes entretiennent entre eux par l’intermédiaire des objets : ce que Marx appelait les rapports de production."

  • Vidal Aude, 'Ecologie, écologie et course au bonheur', Le monde à l'envers, 2017

Quatrième de couv': "Développement personnel, habitats groupés, jardins partagés... : face au désastre capitaliste, l'écologie se présente comme une réponse globale et positive, un changement de rapport au monde appuyé par des gestes au quotidien. Comme dans la fable du colibri, « chacun fait sa part ». Mais en considérant la société comme un agrégat d'individus, et le changement social comme une somme de gestes individuels, cette vision de l'écologie ne succombe-t-elle pas à la logique libérale dominante, signant le triomphe de l'individualisme ?" Aude Vidal donne cette exemple, pour ne pas jeter, le Société de consommation loue le bricolage, alors chaque garage est rempli à ras-bord d'outils électro-portatifs, d'objets hétéroclites, de projets de bricolage... Elle questionne aussi notre soif d'autonomie (il faudrait tous les outils pour pouvoir tout faire tout-e seul-e) or la complémentarité est aussi ce qui fonde la société, l'entraide, les liens... (Des questions qui seront dévelopées également par Anne Humbert dans 'Tout plaquer: la désertion ne fait pas partie de la solution... mais du problème', Le monde à l'envers, 2023)

Lochmann Arthur, La vie solide, La charpente comme éthique du faire, Payot, 2019 Travailler avec ses mains, faire de l'artisanat, c'est composer avec le réel. C'est penser depuis le réel, c'est confronter la théorie au réel. Faire avec ses mains rend plus humble (car rien n'est jamais parfait, tout prend du temps, tout est question de compromis, a des limites que la théorie n'a pas, etc). L'auteur évoque aussi le ré-ancrage dans le temps que permet le travail manuel et enfin il souligne le travail pédagogique et de transmission des artisan-nes, ce dernier donnent le sens...

Voir aussi Margot Abord de Chatillon https://lirsa.cnam.fr/le-laboratoire/membres/margot-abord-de-chatillon--1351176.kjsp#/