Politiques de prévention des déchets
Dans le domaine des déchets de cycles, les ateliers vélos peuvent constituer des acteurs incontournables. Pour valoriser leurs actions auprès des collectivités, les politiques publiques portant sur les déchets (prévention, réduction, réemploi, etc.) sont un atout essentiel. Au regard des mesures que doivent mettre en œuvre les collectivités en terme de prévention des déchets, il faut considérer que l'existence d'un atelier vélo sur leur territoire est une aubaine qui leur permettra de concourir à leurs obligations.
Depuis plusieurs années déjà, les différentes échelles législatives publient des textes de loi sur la question des déchets. La plupart du temps, ces textes insistent sur la prévention de la production des déchets : le meilleur déchet est celui qui n'est pas produit ! Les activités des ateliers vélo entrent bien dans cet ordre de priorité.
Sommaire
Quelques notions
Le statut de déchet
S'il est facilement compréhensible que les ateliers vélo agissent dans le domaine des déchets via leur activité de réemploi, cela implique également de comprendre ce qu'est un déchet. Un déchet peut être défini comme un objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire. Cette définition institue un statut particulier : les déchets sont soumis à des protocoles spécifiques de gestion, ils ne sont plus considérés comme des produits utilisables. Cela éclaire notamment la question des accès réglementés aux déchetteries afin d'effectuer des opérations de récupération.
Le réemploi
Dans ces conditions, il faut distinguer le réemploi et la réutilisation :
- le réemploi est une opération par laquelle un produit est utilisé de nouveau pour un usage identique, sans passer par le statut de déchet.
- la réutilisation est une opération par laquelle un produit devenu déchet est utilisé à nouveau.
Cette distinction peut paraître inutile et pourtant : elle est susceptible - en fonction des interlocuteurs en présence - de modifier considérablement l'objet d'une discussion.Par exemple, les vélos jetés dans la benne à ferraille de la déchèterie sont considérés légalement comme des déchets ; afin de mettre en place un système de récupération, il est préférable de proposer l'installation d'une "zone de réemploi des vélos" sur le site, cela afin d'éviter que les vélos apportés ne prennent le statut de déchet. Dans le langage courant et pour simplifier, on peut également parler de "seconde vie" des produits qui englobe les activités de réemploi, de réutilisation, de réparation, etc. En bref : pour vous faire bien comprendre, adaptez votre vocabulaire à vos interlocuteurs !
Les déchets ménagers et assimilés
La législation distingue différents types de déchets ; les obligations des collectivités en termes de prévention s'applique à certains types. Les "déchets ménagers et assimilés" comprennent plusieurs catégories :
- les ordures ménagères résiduelles (poubelle grise) (OMR)
- les collectes sélectives (recyclables)
- les déchets collectés en déchèterie
Les vélos font partie de cette dernière catégorie car ce sont principalement en déchèterie qu'ils sont déposés. Cette donnée est essentielle, car les mesures de prévention de la production de déchets peuvent porter sur des catégories spécifiques (OMR seulement par exemple, etc.)
Législation européenne
Directive cadre
La directive-cadre européenne (2008/98/CE) du 19 novembre 2008 relative aux déchets indique une hiérarchie dans les politiques de gestion des déchets. Partant du plus prioritaire :
- prévenir la production de déchets
- préparer les déchets en vue de leur réemploi
- recyclage
- valoriser (pour l'énergie par exemple)
- élimination (incinération, enfouissement)
Cette hiérarchie donne formellement la priorité aux actions de prévention.
Transposition en droit français
Cette directive sera transposée en droit français notamment par l'ordonnance du 17 décembre 2010 (n°2010-1579) insérant les dispositions de la directive dans le code de l'environnement. En droit français, le fait de "préparer les déchets en vue de leur réemploi" a été transposé en "préparation en vue de la réutilisation" et "réutilisation". D'autres textes, des décrets, ont également été produit afin d'appliquer en droit français cette législation.
Législation nationale
Plan national de prévention
Depuis 2004, le Plan national de prévention fixe un cadre national de référence. Ce plan a notamment mis en œuvre la distribution des autocollants "Stop pub", ainsi que la réduction du nombre de sacs plastiques distribués en caisse. Il flèche les objectifs plus particulièrement sur la réduction des ordures ménagères. Également, le soutien aux actions de réemploi figure clairement dans ce plan mais sans objectifs précis. Un nouveau plan national de prévention devrait être adopté d'ici décembre 2013 ; celui-ci devrait fixer des objectifs de réduction relatifs à l'ensemble des déchets ménagers et assimilés, comprenant notamment les déchets collectés en déchèterie (dont les cycles).
Les lois Grenelles
La loi dite « Grenelle 1 » du 3 août 2009 oriente la politique déchets sur la prévention / réduction de la quantité de déchets. Pour ce faire : réduire la production d'ordures ménagères et assimilées de 7 % par habitant pendant les cinq prochaines années ; diminuer de 15 % d’ici 2012 les quantités de déchets incinérées ou enfouies ; instituer une tarification incitative dans un délai de 5 ans ; généraliser les plans de prévention auprès des collectivités.
La loi dite « Grenelle 2 » du 13 juillet 2010 prévoit que : les collectivités territoriales responsables de la collecte ou du traitement des déchets ménagers et assimilés doivent définir, au plus tard au 1er janvier 2012, un programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés indiquant les objectifs de réduction des quantités de déchets et les mesures mises en place pour les atteindre ; ce programme doit faire l’objet d’un bilan annuel afin d’évaluer son impact sur l’évolution des quantités de déchets ménagers et assimilés collectés et traités ; le programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés est mis à disposition du public ainsi que les bilans annuels d'évaluation.
Le plan d'actions déchets
Le plan d’actions déchets 2009-2012 a été élaboré suite aux réflexions du Grenelle de l'environnement et en prévision de l'application de la directive-cadre européenne. Il s’agit de concevoir l'utilisation les déchets comme ressources, tout en renforçant l’ambition première de prévention.
Plans et programmes des territoires
Des plans départementaux qui coordonnent...
Sur la gestion globale des déchets, les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés ont été rendus obligatoires par la loi du 13 juillet 1992. En ce qui concerne la prévention, en application aux lois Grenelle, il est préconisé de mettre en place des plans départementaux et programmes locaux de prévention. Les conseils généraux sont chargés de définir les plans départementaux de prévention. Le plan départemental doit être en cohérence avec le plan national de prévention des déchets et les volets prévention du plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés. Les plans départementaux fixent des objectifs généraux et doivent déployer des programmes locaux de prévention.
... le déploiement des programmes locaux
Un programme local de prévention des déchets est un ensemble d’actions opérationnelles, élaboré en cohérence avec le plan départemental de prévention. Ce sont les collectivités en charge de la collecte et du traitement des déchets qui le mettent en œuvre. Ce programme local comprend des actions opérationnelles sur le territoire concerné. A terme, les programmes locaux devront couvrir au moins 80% de la population du territoire. Ces programmes constituent l'échelle territoriale la plus proche des ateliers vélo. Mis à disposition du public, ces programmes peuvent constituer une solide base de référence pour présenter les activités des ateliers. Certains de ces programmes mentionnent même clairement la promotion des activités de réemploi.
En pratique
Une réduction des déchets à plusieurs niveaux
Par rapport à la hiérarchie introduite par la législation européenne, l'activité des ateliers vélo se situe à plusieurs niveaux.
1/ Prévenir la production de déchets. Par la mise à disposition d'outils, par la transmission de savoirs, et par le bon entretien des cycles, l'atelier contribue à diminuer le nombre de vélos dont les particuliers souhaitent se défaire. Et par le réemploi, l'atelier récupère les vélos inutilisés qui ne seront alors pas jetés.
2/ Réutiliser : en proposant de récupérer les vélos jetés en déchetterie, l'atelier sort des vélos de leur statut de déchets et effectue de la réutilisation.
3/ Recycler : les déchets non-réemployables sont triés convenablement afin de participer efficacement au recyclage de ceux-ci.
Concrètement, les ateliers vélos peuvent se saisir des législations ci-dessus pour appuyer leurs activités.
Accéder aux déchetterie
Les vélos inutilisés constituent une ressource pour les ateliers mais un déchet pour la collectivité ; ceux-ci finissent bien souvent à la déchetterie. Il est alors possible de proposer aux collectivités en charge de la gestion des déchetteries de collaborer : des ateliers ont déjà signé une convention avec la collectivité leur donnant accès à la déchetterie. Pour réaliser ces démarches auprès des collectivités, il est important d'avoir en tête les quelques points énoncés ci-dessus, afin de parler le même langage que nos interlocuteurs !
Parfois, d'autres structures de récupération (Mouvement Emmaüs, Réseau des Ressourceries, etc.) sont présentes sur le territoire, et disposent déjà d'un accès aux déchetteries. Il arrive que les collectivités ne donnent accès qu'à une seule structure ; dans ce cas, il ne faut pas hésiter à prendre contact avec ces structures afin de s'entendre avec eux, de leur proposer de mettre les vélos de côté, etc. Plusieurs ateliers vélos fonctionnent de cette manière, La Bécane à Jules à Dijon ou encore Vélocampus à Besançon.
Valoriser l'activité de réemploi
Plus généralement, les ateliers vélo peuvent se saisir des incitations législatives afin de valoriser et rendre lisible leurs activités auprès des collectivités. Lors de demandes de subventions : pensez à solliciter les services en charge des transports, mais aussi ceux en charge des déchets ! De même, pour la recherche d'un local : demandez la mise à disposition gracieuse de locaux publics en insistant sur le fait que vous aider à trouver des locaux, c'est d'abord aider une activité de prévention des déchets.
Être volontaire !
Les législations peuvent constituer une contrainte difficile à mettre en œuvre pour les collectivités. Il ne faut pas hésiter à adopter une démarche volontariste en proposant des actions concrètes et utiles au fonctionnement de l'atelier. D'un coté cela permet aux collectivités de remplir à leur obligations et d'un autre côté cela fait vivre l'atelier vélo. Parlant de l'atelier Dynamo (Nancy) qui accède à la déchetterie, Laurent Kobler, vice-président chargé de l’environnement à la Communauté de Communes du Bassin de Pompey déclare que « ce partenariat avec Dynamo est une des nombreuses actions du programme local de prévention des déchets. Il contribue à notre objectif prioritaire de diminution de tous les déchets »[1].
Des exemples ? Proposez d'inscrire votre atelier, en tant que point de collecte de vélos, dans un guide pratique sur le tri des déchets. Montez un partenariat pour accéder aux déchetteries et y récupérer les vélos. Demandez un local de stockage pour les vélos récupérés afin d'assurer le réemploi de ceux-ci. Déposez des demandes d'aides financières relatives à vos opérations de réduction des déchets (déplacement pour récupération, main d’œuvre pour réparation, outil et pièces de remise en état, etc.).
Notes et références
- ↑ L'Est Républicain, le 14/12/2012