https://wiklou.org/w/api.php?action=feedcontributions&user=Benjamin&feedformat=atomWiklou, le Wiki du Biclou - Contributions de l’utilisateur [fr]2024-03-28T12:11:55ZContributions de l’utilisateurMediaWiki 1.31.8https://wiklou.org/w/index.php?title=L%27Atelier_des_miracles&diff=23202L'Atelier des miracles2024-02-26T07:49:28Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Couverture atelier des miracles 2 JPEG.jpg|vignette|gauche|Couverture]]<br />
[[Fichier:4emme de converture.jpg|vignette|gauche|quatrième de couverture]]<br />
[[Fichier:Affiche rencontre atelier miracles.jpg|thumb|annonce pour une présentation de l'atelier des miracles]]<br />
[[Fichier:Montpelier.png|thumb|Exemple de présentoir vélorutionnaire]]<br />
<br />
[[Fichier:Récup'R.jpg|thumb|photo de l'atelier]]<br />
'''''L'atelier des Miracles''''' est un livre de Benjamin Pichot-Garcia publié en 2023 aux [https://lestroiscanards.ouvaton.org/ éditions des Trois Canards]. Le titre complet est ''L'atelier des Miracles, les activités cachées d'un atelier d'auto-réparation de vélo et de couture''. Il est la version améliorée, retravaillée et complétée d'un mémoire réalisé à l'université de Rennes dans le cadre du Diplôme Universitaire Education Populaire et Transformation Sociale, à l'époque le mémoire s'appelait ''Récup'R "un atelier participatif et solidaire de vélo et de couture, ce n'est pas que du vélo et de la couture!"(Mémoire sur les activités cachées de l'atelier et beaucoup d'autres choses'' (Ce qui est un peu long!)<br />
Ce livre a été réalisé en collaboration avec Guillaume Sabin ethnologue, enseignant-chercheur, auteur de '''''[https://pur-editions.fr/product/ean/9782753535022/l-archipel-des-egaux L'Archipel des Égaux, luttes en terre argentine]''''' et de '''''[https://www.editionslibertalia.com/catalogue/nautre-ecole/12-la-joie-du-dehors La Joie du dehors, essai de pédagogie sociale]'''''. Il en signe d'ailleurs la préface.<br />
<br />
=== Le résumé du livre ===<br />
[[Fichier:Le dragon sur le toit.jpg|thumb|dragon sur le toit]]<br />
<br />
''L’Atelier des Miracles'' raconte le quotidien d’un atelier d’auto-réparation de vélo et de couture. Ces deux activités, d’apparence inoffensives, -si elles sont pratiquées en collectif-, ne tardent pas à devenir subversives car elles conduisent à penser et à agir sur des problématiques plus vastes : réduction/production des déchets, autonomisation/fragilité des personnes, solidarité/exclusion, délitement des services publics/privatisations, responsabilité/place de chacun-e dans la tâche de nettoyer le Monde…<br />
<br />
Dans une période d’[https://www.editionsladecouverte.fr/acceleration-9782707154828 accélération], où les catastrophes politiques et environnementales se succèdent, il est question d’un lieu où souvent à l’abri des regards, des personnes s’activent, avec calme et détermination, pour réaliser ce qu’elles pensent juste. Loin des discours et des déclarations grandiloquentes, elles améliorent leurs quotidiens : raccommodent leurs affaires, réparent leurs vélos, se soutiennent, partagent leurs bonnes idées, s’investissent pour leur quartier... Et, par ce geste-réflexe de la réparation et de l’auto-réparation réussissent à se réapproprier leurs vies et à rendre leur univers un peu plus vivable.<br />
<br />
Cette belle histoire pourrait être un conte destiné aux enfants ou une douce illusion que les adultes se raconteraient pour se détourner des temps de haine et de repli sur soi que chaque jour les médias prédisent. Elle pourrait également être une métaphore de la résistance contre les attaques néolibérales qui dévorent notre société. Mais n’en déplaise aux pessimistes et aux grincheux, cet atelier existe bien ! Et, il n’est pas seul ! D’autres existent, essaiment, sans bruit, se fédèrent, s’entraident, frayant leur chemin en dehors des canons institutionnels, écologiques, militants, entrepreneuriaux, mêlant écologie et solidarité, en y ajoutant beauté et dignité !<br />
<br />
=== A qui s'adresse le livre? ===<br />
<br />
Cet ouvrage s’adresse à toutes les personnes impliquées, de près ou de loin, dans les initiatives environnementalistes de terrain : ateliers de réparation, repair café, jardins partagés, cafés associatifs, etc. Il s’adresse aussi aux travailleur-ses associatifs (Stagiaires, volontaires en services civiques, bénévoles, administrateur-ices et salarié-es), notamment celles et ceux du milieu de l’animation socio-culturelle. Sa lecture pourrait aussi intéresser toutes les personnes soucieuses de mêler analyses écologistes, syndicalistes et féministes. Il est destiné à un large public. Nous l’avons voulu vif, parfois drôle, mélangeant entretiens, analyses, questionnements, récits individuels et moments collectifs. A l’heure où les ateliers de vélos et de couture sont en vogue, il semblait pertinent de témoigner de l’envers du décor, de parler des conditions de production.<br />
<br />
=== Influences ===<br />
<br />
Cet ouvrage est inspiré des travaux de la sociologue '''Maud Simonet''' sur le travail gratuit et son invisibilisation '''''[https://www.editionstextuel.com/livre/travail-gratuit-la-nouvelle-exploitation Travail gratuit: la nouvelle exploitation]''''' et sur l’analyse de l’historienne '''Fanny Gallot''' qui dans son livre '''''[https://www.editionsladecouverte.fr/en_decoudre-9782707182418#:~:text=Elles%20ont%20mis%20en%20cause,de%20tout%20d%C3%A9l%C3%A9guer%20aux%20hommes. En découdre : comment les ouvrières ont révolutionné le monde du travail et la société]''''' analyse les luttes des femmes ouvrières entre le féminisme et la lutte de classe. Nous nous sommes également inspirés de '''''[https://www.editionsladecouverte.fr/eloge_du_carburateur-9782707160065 L’éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail]''''' de '''Matthew B. Crawford'''. Dans cet ouvrage l’auteur juxtapose le démantèlement et la dévalorisation des filières manuelles en Occident et la survalorisation de la production intellectuelle du think thank où il est salarié. <br />
Mais surtout '''''L'atelier des Miracles''''' s’inscrit dans une pensée et une culture libertaire et populaire, et puise dans des sources variées, du roman au podcast, des fanzines aux récits sur la guerre civile espagnole.<br />
<br />
=== Les auteur-ices ===<br />
[[Fichier:Trop de cowboys.jpg|thumb|Chica con bici]]<br />
<br />
Depuis 12 ans Benjamin Pichot-Garcia, l'auteur de ce livre, est mécanicien-animateur dans un atelier associatif d’auto-réparation de vélo et de couture. Titulaire d'un Master II en sciences humaines et d'un niveau IV en mécanique cycles et motocycles, il a été bénévole dans une librairie libertaire, puis a fabriqué et diffusé des [[Chasse-Goupille_(fanzine)|fanzines]]. Il y a quelques années il a obtenu un diplôme universitaire d’Education Populaire et de Transformation Sociale et écrit ce livre pour témoigner de son expérience associative et vélocipédique.<br />
<br />
Ce livre a bénéficié du soutien de plus de 50 personnes. 36 personnes ont été interrogées (des adhérent-es, des administrateur-ices, des mécanicien-nes, des travailleur-ses du secteur associatif, des syndicalistes, deux psychomotriciennes, une ergonome, une écrivaine, une bibliothécaire, des écologistes, des féministes, des étudiant-es, des punks, des voisin-es, etc.) De nombreuses personnes ont suivies l'écriture au jour le jour, faisant des commentaires, proposant des pistes, conseillant des livres (Merci à Margot, Camille, Améli-e, Mahalia, Carole, etc.), d'autres ont participé aux relectures, corrections, annotations, commentaires, améliorations, mises en page (Stéphanie, Guillaume, Jean, etc.)... Merci tout particulièrement à Ludovic qui s'est porté volontaire pour l'énorme travail de mise en page de ce document. Ce livre a aussi compté une bonne douzaine de chouettes illustrations (Merci aux artistes!). Merci également à Guillaume Sabin qui a relu, commenté, encouragé, conseillé tout le long (et qui a même signé la préface!). Merci aussi, enfin, aux éditions des Trois Canards, qui ont soutenu ce projet, l'ont accepté tel qu'il est et s'investissent pour qu'il existe et réussisse (en dessinant notamment une belle couverture!). <br />
<br />
Pour finir, merci au réseau l'Heureux Cyclage, le réseau des ateliers participatifs et solidaires de vélos... Et, surtout, à l'association Récup'R - l'atelier participatif de vélo et de couture - et à ses adhérent-es et à mes collègues qui ont contribué (et supportés) l'écriture de ce livre.<br />
<br />
=== Diffusion du livre ===<br />
[[Fichier:Couture.jpg|thumb|atelier de couture]]<br />
<br />
'''Où trouver L'Atelier des miracles?'''<br />
<br />
Le livre est vendu 12 euros dans les bonnes librairie et les bons ateliers d'auto-réparation. Sinon, pour l'acquérir, il suffit d'écrire un mail à Chasse-Goupille[at]hotmail.com.<br />
Ensuite, nous verrons comment l'acheminer (Un envoi par la Poste coûte environ 6 euros car le livre pèse 500 grammes).<br />
<br />
A Bordeaux: '''La Machine à Lire'', '''La Mauvaise Réputation''', '''Disparate''', à Récup'R, '''Aux Mots du Zébre''' (Eysine), '''Les 400 coups''' (Bordeaux). '''L'Eco-Libri''', '''Le Temps Presse''' & '''La station Vélo''' (Créon), '''Lisons sous la pluie''' (Latresne). A Grenoble, au siège de '''LHC''' (à la MNEI). A la '''CLAVETTE lyonnaise'''. A Paris à la librairie Quilombo. A Bergerac, aux '''éditions des Trois Canards'''. A Brest, à '''La Petite Librairie'''. A La Rochefoucauld, '''au Trait d'Union''' (16). '''La Palpitante''' à Mens (38). '''La Rencontre''', '''L'Etabli des mots''', '''L'astrolabe''' et '''Planete IO''' à Rennes (35). '''L'autodidacte''' à Besançon. '''Jeux 2 mots''' à Cadillac (33). A A la '''bibliothèque de Montemboeuf''' (16). '''Au vieux biclou''' à Montpelier. La '''Libr'Eyre''' à Belin-Beliet (33). Sur les tables de presse de soutien au '''journal S!lence''' de Gironde. Etc.<br />
<br />
'''Diffusion militante'''<br />
[[Fichier:Discussion-atelier-des-miracles-29-fevrier-2024-librairie-la-gryffe-lyon-7.jpg|vignette|droite|Le livre en tournée!!!]]<br />
<br />
Bien que le livre ait un éditeur, Les Trois Canards, il n'a pas de [[diffuseur]]. C'est à dire que la distribution, la diffusion et la vente sont éffectuées de manière artisanale (Aller rencontrer des libraires militants, vente sur des stands, par le bouche à oreille, envoi via la Poste ou la Punk-Poste, etc.)<br />
Donc, un grand merci aux ateliers d'auto-réparation (et aux autres!), aux [[Clavette|C.L.A.V.E.T.T.E.S.]], aux ami-es, aux libraires, aux punks, aux fanzineux-ses et à toutes les personnes de bonnes volontés, qui s'impliquent dans la promotion et la vente du livre. Sans ce travail ''L'Atelier des miracles'' resterait enfermé, triste et inoffensif dans ses cartons. Merci pour lui! Liberté de circulation pour tout le monde ! Pour les personnes, les idées et pour les livres.<br />
<br />
=== Revue de presse ===<br />
<br />
<gallery><br />
Charente Libre Article 25 mai 2023.pdf|Article Charente libre 25 mai 2023<br />
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<br />
<gallery><br />
Article Sud Ouest. L'atelier des miracles.jpg|Article Sud Ouest. L'atelier des miracles. 1/7/2023<br />
</gallery><br />
<br />
Sur le blog Biblio-Cycles http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2023/03/26/pichot-garcia-benjamin-6435172.html et http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2023/10/13/chasse-goupille-collectif-6465799.html<br />
<br />
Sur le blog de la Tête dans le guidon (à Angers) https://latetedansleguidon.blogspot.com/2023/11/activites-chorales.html<br />
<br />
<gallery><br />
L'atelier des miracles dans L'Age de Faire. oct. 2023.jpg|Article du journal L'Age de faire, numéro d'octobre 2023<br />
</gallery><br />
<br />
<gallery><br />
Article Silence.pdf|L'atelier des miracles dans Silence octobre 2023<br />
</gallery><br />
<br />
<gallery><br />
Arpentage atelierdesmiracles.pdf<br />
</gallery><br />
<br />
<gallery><br />
Article L'atelier des miracles dans 200.jpg <br />
</gallery><br />
<br />
=== Pour se faire une idée plus précise ===<br />
<br />
La table des matières:<br />
https://wiklou.org/wiki/Fichier:Table_des_mati%C3%A8res.pdf<br />
<br />
La préface de ''L'atelier des miracles, les activités cachées d'un atelier de vélo et de couture'' par Guillaume Sabin:<br />
https://wiklou.org/wiki/Fichier:Pr%C3%A9face_Atelier_des_miracles,_les_activit%C3%A9s_cach%C3%A9es_d%27un_atelier_de_v%C3%A9lo_et_de_couture.pdf<br />
<br />
=== Présentations publiques ===<br />
<br />
-20 au 23 avril stand aux '''Rencontres nationales de l'Heureux Cyclage''' à Grenoble.<br />
<br />
-3 juin présentation à la '''bibliothèque municipale''' de Montemboeuf (16).<br />
<br />
-4 juin stand à '''Raz le zine''' à l'Atelier 10 de Floirac.<br />
<br />
-18 juin arpentage/présentation à '''l'Université Populaire de Bordeaux'''.<br />
<br />
-7-8 Juillet au '''Zinefest''' (Bordeaux)<br />
<br />
-8,9,10 septembre à '''l'Imprévu, Festival de la Différence,''' à Montemboeuf (Charente)<br />
<br />
-16 septembre présentation à la librairie '''Eco-Libri''' à Créon (33) dans le cadre du '''festival Bougeotte'''.<br />
<br />
-30 septembre présentation à l'atelier '''des jantes et des gens''' (Périgueux - 24), dans le cadre des rencontres régionales de LHC. <br />
<br />
-12, 13, 14 octobre à '''La Rencontre''', à '''L'Etabli des mots''' et à '''Planet IO/Le village des possibles''', à Rennes.<br />
<br />
-14 novembre à L'autodidacte à '''Besançon''' (Dans le cadre des rencontres entre salarié-es de L'Heureux Cyclage). <br />
<br />
-9 décembre au marché de Noël de l'AMAP (Association pour le Maintien de l'Agriculture paysanne) à '''Créon'''<br />
<br />
-16 décembre à '''Saint-Caprais-de-Bordeaux''' au marché de Noël de Grains de blé's (Biologique Local Équitable et Solidaire) .<br />
<br />
-7 février à L'atelier de vélo et de couture Récup'R de '''Bordeaux'''.<br />
<br />
-24 et 25 février au festival du Cyclo Camping International au '''Mans'''.<br />
<br />
-29 février à la librairie libertaire La Gryffe (à Lyon)<br />
<br />
-1, 2, 3 mars, au Festival Primevere de '''Lyon''' (avec la Coordination Locale des Ateliers Vélos de Lyon).<br />
<br />
-le 23 mars au lieu autogéré La Chapelle à '''Toulouse''' invité par le collectif Seitan's Bike Hell Punks. '''Reporté!!!'''<br />
<br />
-20, 23 avril, aux '''Rencontres Nationales de L'Heureux Cyclage à Nantes'''<br />
<br />
A venir : '''Caussade''', '''Brest''', '''Rennes''', '''Pau''', '''Figeac''', etc.<br />
<br />
=== Bonus ===<br />
<br />
'''Édition des Trois Canards''' : <br />
#REDIRECTION [[https://lestroiscanards.ouvaton.org/]]<br />
<br />
'''Guillaume Sabin''' (ethnologue) :<br />
#REDIRECTION [[https://www.editionslibertalia.com/catalogue/nautre-ecole/12-la-joie-du-dehors]]<br />
<br />
'''Chasse-Goupille''' (Fanzine) :<br />
#REDIRECTION [[https://wiklou.org/wiki/Chasse-Goupille_(fanzine)]]<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Fanzine]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Couture]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Article_L%27atelier_des_miracles_dans_200.jpg&diff=23201Fichier:Article L'atelier des miracles dans 200.jpg2024-02-26T07:47:00Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
<hr />
<div>=={{int:filedesc}}==<br />
{{Information<br />
|description={{fr|1=article de presse.}}<br />
|date=2024-02-26<br />
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|author=[[User:Benjamin|Benjamin]]<br />
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|other versions=<br />
}}<br />
<br />
=={{int:license-header}}==<br />
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<br />
Ce fichier a été téléchargé avec l'extension UploadWizard<br />
<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Chasse-Goupille_(fanzine)&diff=23196Chasse-Goupille (fanzine)2024-02-21T07:36:36Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>Le chasse-Goupille 16 est imprimé et disponible sur demande (en écrivant à Chasse-goupille@hotmail.com).<br />
...<br />
<br />
[[Fichier:Scan 0045.jpg|thumb|couverture de Chasse-Goupille]]<br />
[[Fichier:Couv18.png|vignette|Le nouveau Chasse-Goupille!]]<br />
[[Fichier:Thumbnail chassegoupille17.png|vignette|Chasse-Goupille 17]]<br />
[[Fichier:Couverture Chasse-Goupille 16.jpg|vignette|Chasse-Goupille 16]]<br />
[[Fichier:Studiolivetti.jpg|vignette|Olivetti Studio 46]]<br />
[[Fichier:Chasse-Goupille couv' 15.jpg|vignette|Chasse-Goupille 15]]<br />
[[Fichier:Chasse-Goupille Machine 15.jpg|vignette|droite|machine triumph]]<br />
[[Fichier:Chasse-Goupille 14.JPG|vignette]]<br />
[[Fichier:Couv n°12.jpg|vignette|centré|couv]]<br />
'''''Chasse-Goupille''''' est un fanzine bordelais (malgré lui, les auteurices sont de partout !) et une vaste entreprise de propagande vélocipédique (comme le fantastique fanzine angevin ''tord-boyau'' avant lui et Contre-Ecrou le brûlot briochin plus tard). Il est réalisé par un collectif depuis novembre 2011. ''Chasse-Goupille'' n'est l'organe d'aucun parti ni d'aucune association. Aujourd'hui, ''Chasse-Goupille'' compte 18 numéros. Il est diffusé par les éditions Recyclope (comme le fanzine ''[[Vélorution au tour de France (fanzine)|Vélorution au tour de France]]'').<br />
Vous pouvez trouver aussi le texte ''[[Un accident presque banal]]''.<br />
<br />
==Les numéros téléchargeables==<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 1.pdf|Numéro 1]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 2.pdf|Numéro 2]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 3.pdf|Numéro 3]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 4.pdf|Numéro 4]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 5.pdf|Numéro 5]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 6.pdf|Numéro 6]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 7.pdf|Numéro 7]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 8.pdf|Numéro 8]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 9.pdf|Numéro 9]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-goupille_10.pdf|Numéro 10]]<br />
* [[:Fichier:chasse-goupille_11.pdf|Numéro 11]]<br />
* [[:Fichier:chasse-goupille_12.pdf|Numéro 12]]<br />
* [[:Fichier:chasse-goupille_13.pdf|Numéro 13]]<br />
* [[:Fichier:Chasse goupille 14 avec poster.pdf|Numéro 14]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 15.pdf|Numéro 15]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 16.pdf|Numéro 16]]<br />
* [[Fichier:Chasse-Goupille 17 nouvelle version.pdf|thumb|Numéro 17]]<br />
* [[:Fichier:Chasse-Goupille 18.pdf|numéro 18]]<br />
<br />
Avant de télécharger. Prière de lire le chapitre concernant la diffusion.<br />
<br />
==La forme==<br />
<br />
Réalisé dans l'esprit ''do it your self'' avec une machine à écrire (Olympia "splendid", Triumph, Olivetti "Studio 46"), un tube de colle, des ciseaux, quelques stylos et une photocopieuse (notons quelques collages, montages photo et quelques lino-gravures dans les nº 6, 9, 10, 11, 12, 13, 14 & 15).<br />
Il se compose de 6 à 10 pages (pour être peu cher, abordable, facilement lisible et facilement reproductible).<br />
Un poster se trouve souvent au milieu, vous pouvez le colorier et l´accrocher sur votre frigo !<br />
Pas de pub, pas de sponsors !<br />
<br />
==Le fond==<br />
<br />
Les textes sont drôles et pertinents. Les dessins sont géniaux. Les collaborateurices, dont le nombre peut aller jusqu'à 22/numéro, les meilleurs.<br />
Le thème principal (unique) est l'émancipation par/pour/avec la bicyclette ("La bicyclette est un bon véhicule pour parler de la vie et la vie une bonne occasion pour parler de bicyclette"). Les sujets des textes et des illustrations sont: Vélorution, écologie, économie, témoignages, récits de vie, cyclo-féminisme, luttes contre les dominations et les discriminations, voyages, autogestion, expérimentations sociales, bonne rigolade…<br />
<br />
Quelques explications complémentaires sur la fabrication et la genèse de Chasse-Goupille dans [[Chasse-Goupille_(fanzine)/edit|''L'atelier des miracles, les activités cachées d'un atelier d'autoréparation de couture et de vélo'']] paru en 2023 aux éditions des 3 canards.<br />
<br />
==Diffusion==<br />
<br />
Lire, photocopier, diffuser…<br />
<br />
Toutes celles et ceux qui le veulent peuvent photocopier et diffuser ''Chasse-Goupille''. Il est généralement vendu à prix libre (2 euros dans les commerces. A prix libre car il n'a pas de prix. Cependant le prix de fabrication avoisine souvent les 1 euros (sauf le numéro 15 qui compte davantage de pages). <br />
L'argent récolté, sert à imprimer de nouveaux Chasse-Goupille, à payer les frais de fabrication des nouveaux numéros, aussi à faire connaitre le fanzine (exemplaires offerts à des fanzinothèques, bibliothèques, journaux, ateliers, kiosques, squats… puis, aussi dans laisser dans les salles d'attentes des médecins et des dentistes…). Enfin, le prix libre permet de payer des frais de déplacements pour des festivals, d'acheter du matériel d'art plastique, des boissons pour les contributeur-ices, des frais d'envois, etc. <br />
Fabriquer un fanzine demande du temps (lectures, coordination, écriture, retranscriptions, illustrations, corrections, distribution…) <br />
Merci pour votre soutien, de vos retours et vous encouragements (chasse-goupille[at]hotmail.com).<br />
<br />
== Les ami-e-s de Chasse-Goupille (ils/elles ont participé de près ou de loin au moins une fois !) + un peu de bibliographie ! ==<br />
<br />
[[Fichier:Thumbnail chasse-goupille.jpg|vignette|centré|Coloriage. Chasse-Goupille n°10]]<br />
<br />
Les participant-e-s :<br />
Merci à elles et eux !<br />
<br />
* '''Chasse-Goupille 1''' : Professeur Lavande et Benjamin<br />
* '''Chasse-Goupille 2''' : Professeur Lavande, Mt., Benjamin, Don Thomas, Doc Guilaume.<br />
* '''Chasse-Goupille 3''' : Alicia, B., François 88, Guillaume, Mt., Prof. Lavande, Don Thomas.<br />
* '''Chasse-Goupille 4''' : Prof. Lavande, Mt., don Thomas, Doc Guillaume, Le Podophile, Benjamin.<br />
* '''Chasse-Goupille 5''' : Mt., Prof. Lavande, don Thomas, Elise, Lena, Claire, Remi, Doc Guillaume, Benjamin.<br />
* '''Chasse-Goupille 6''' : Anonyme, Bernardo et Tornado, B., Guillaume, Mt., Claire, don Thomas, Hara Kiri, prof. Lavande, Lena, Remy.<br />
* '''Chasse-Goupille 7''' : Anonyme, B., Bernardo & Tornado, Don Tomas, J. Edison, Hara Kiri, Lena, Mt., Posada, Prof. Lavande, Tanxxx.<br />
* '''Chasse-Goupille 8''' : Arsenia Montero Robles, Benjamin, Le C.V.C., Ignacio Berluscoaran Villa, Lena, Léo, Matoaka Amonute, Mt., Guillaume, Simone, Tazla Appaloosa, Thomas.<br />
* '''Chasse-Goupille 9''' : Diego & Bernardo, Mt., B., Kaburimbo, Lena, Léo, Nardo, Noor-Shams, un vélorutionnaire de l'Emirat de Gofa, Quentin, Simone, Thomas.<br />
* '''Chasse-Goupille 10''' : Anne Onyme, B., colectivo Solidario de Semola, Front Uni des Cités Vélorutionnaires, Lena, Léo, Mt., Quentin, Simone, Una.<br />
* '''Chasse-Goupille 11''' : Una, Mt., Le comité du Déraclaboussure, L'Araignée, B., Juanita & Chasse-Goupille, Darrajat Al Hourriya, Lena, Quentin, Nardo, Simone.<br />
* '''Chasse-Goupille 12''' : Collectif d'Insurection Mécanique, IV Section Cartographique du Comité Vélorutionnaire, Simone, Una, Gra, Marco, Benjamin, Mt., & un grand merci au journal La Brique et à Mawy et à Laurence pour leur article.<br />
* '''Chasse-Goupille 13''' : Fernand Léger, Françoise, Mt., Gra, Margotte, Anormally, Crounch, Una, Benjamin, BWW, etc.<br />
* '''Chasse-Goupille 14''': Lena, Héloïse, Rocky, Marco, Margotte, Mt., Nasredine Hodja, Léo, Joëlle, Virginie, Gra, Una, George Batavus, Anormally, Crouch, Anne, Benjamin… Et quelques linogreur-ses de la Vélorution Universelle de Tours!<br />
* '''Chasse-Goupille 15''': Una, Lucie Fer, Marco, Benjamin, Candy, Lena, Héloïse, François 88, Margotte, Georges Batavus, Gra, Bibiche, J., Véloutre, Collectif Cagouilles Vélorutionnaires, Friture, la Famille Dynamo, José Guadalupe Posada, Mt., Simone, Janine…<br />
* '''Chasse-Goupille 16''': Juliette, Landroïd, Mt., Claire, Marco, Benjamin, Friture, Candy, Una, Véloutre, Dalia, Alain Konnut, Camcam, Margotte, Simone, Gra...<br />
* '''Chasse-Goupille 17''': Gra, Marco, Gramouski, Améli-e, Didier Tronchet (auteur du "petit traité de vélosophie"), Guillaume, Benjamin, Magda, Dalia, Marion, Quentin, Georges Batavus, Rémi...<br />
* '''Chasse-Goupille 18''': Lena, Gra, Marco, Nono, Modestin, Anormally, Florent, Victor Tello, Collision, Manu du Chat Perché, Mt., Julio Cortazar, Gramouski, Diana, Benjamin, Elodie, Abdallah Geronimo Cohen, Séverine, Fabien et Damiano...<br />
*'''Chasse-Goupille 19''': Pauline, Gra, Marion, Guillaume S., Claire, Benjamin, Camille Pichon (La mécana), Lena, Florent, Biciman, Marco, Jean-Moustafa, Marie-Daouya, Manon Ruhrmann, Cam-Cam, Beata, Georges Batavus, Céleste, Garance, Haizea, Nono, Janis, Mt., Les Trois Canards, Gramouski, @-mielqueerart.... J.A. Cardon (dessins extraits de ''"L'apocalypse est pour demain"'' de Jean Yanne).<br />
<br />
== Présentation de Chasse-Goupille à la radio ==<br />
<br />
Chasse-Goupille à la Clé des Ondes : https://lacledesondes.fr/audio/le-kiosque-2021-02-17D.mp3<br />
<br />
== Quelques liens en complément ==<br />
<br />
* Guadalupe Posada, graveur mexicain (1852-1913) on lui doit la couverture du Chasse-Goupille 1.<br />
* Tanx:http://tanxxx.tumblr.com<br />
* Kaburimbo/ Beata Umubyeyi-Mairesse (dans le Chasse-Goupille n°9): Autrice de deux livres "Ejo" et "Lézardes", édition La Cheminante. <br />
* Nardo. Auteur du voyage d'Aimé (Chasse-Goupille n°9 et 11), http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2016/06/23/juge-aime-5818377.html<br />
* Richard / Marco (chasse-Goupille n°12). Auteur d'un fanzine culte: http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2017/11/27/richard-6003133.html<br />
* Laurence et Mawy (Chasse-Goupille n°12): Auteur et dessinatrice de "Mon vélo est-il révoltionnaire" dans la brique: http://labrique.net/index.php/thematiques/droit-a-la-ville/739-mon-velo-est-il-revolutionnaire <br />
* Mt. (Dans tous les Chasse-Goupille sauf le n°1): http://zizipanpan.blogspot.fr<br />
* Simone et Crouch : http://coupdeuxbarres.ouvaton.org<br />
* Camille. Elle a corrigée et distribuée quelques numéros: https://www.atelierlivresse.fr/<br />
* CQFD (mensuel de critiques et d'expérimentations sociales): Ils ont passé un gentil petit encart une fois! Merci!:http://cqfd-journal.org<br />
* La Rotative (Site collaboratif d'informations locales - Tours et alentours) [https://larotative.info/la-corvette-et-le-velo-polonais-un-3427.html article]<br />
* Le Postillon (Journal de Grenoble & de sa cuvette): [https://www.lepostillon.org/ ici]<br />
* Contre-Ecrou (Fanzine Vélorutionnaire Briochin): http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2020/07/13/collectif-presse-cuvettes-6251515.html<br />
*Editions Libertalia : https://www.editionslibertalia.com/ <br />
<br />
== Bibliographie sélective: ==<br />
Ça ne veut pas dire que nous sommes 100% d'accord avec les auteur-ices de tout ces livres… Mais, que quelque part elles et ils ont participé à ce que notre petit fanzine pédale un peu plus loin… Ça veut aussi dire, que Chasse-Goupille s'inscrit dans une continuité, un élan collectif, qu'il n'a finalement pas tant de mérites que ça, il s'inspire de plein de choses, en inspirera peut-être d'autres… Il n'est ni la fin, ni le début, mais bien un maillon ou une bille, dans une chaîne ou dans un mécanisme de transmission plus ou moins bien huilé d'une pièce de mécanique un peu étrange et inadaptée, d'une machine encore plus grande dont ignore la direction, et, peut-être même que le machine en question serait une bicyclette !<br />
<br />
* Chasse-Goupille 1 <br />
** Bouvier Nicolas, '''L'usage du Monde''', Payot<br />
** De Sica, '''Le voleur de bicyclettes''' (film)<br />
** Latouche Serge,'''Survivre au développement''' : De la décolonisation de l'imaginaire économique à la construction d'une société alternative, Paris, Mille et Une Nuits, 2004<br />
** Gorz André, '''L'idéologie sociale de la bagnole''', le monde, 1973.[http://carfree.fr/index.php/2008/02/02/lideologie-sociale-de-la-bagnole-1973/ carfree] ou [https://infokiosques.net/spip.php?article346 infokiosque]<br />
** Tronchet Didier, '''Petit traité de vélosophie''', réinventer la ville à vélo, J'ai lu, 2008<br />
** Collectif, '''Mi querida bicicleta''', relatos de ciclismo de Holanda y Espana, Editorialexperimenta, 2009<br />
** Illich Ivan, '''Energie et équité''', 1973. [https://infokiosques.net/IMG/pdf/Ivan_Illich_Energie_et_equite.pdf pdf]<br />
** Dodge Piotr, '''La grande histoire du vélo''', Flammarion, 1996<br />
** '''Tord-Boyau'''. Fanzine angevin. n°1, 2, 3.<br />
* Chasse-Goupille 2 <br />
** Frémion Yves, '''Provo (1965-1967)''', Nautilus, réed 2009<br />
* Chasse-Goupille 3 <br />
** Brassens Georges, Quelques chansons… '''Stance pour un cambrioleur, la mauvaise herbe, Marinette''', etc.<br />
** Crumb Robert, '''Mister Nostalgia''', Cornélius, 1998<br />
* Chasse-Goupille 4 <br />
** Fassin Eric, Fouteau Carine, Guchard Serge, Windels Aurélie, '''Roms et riverains''', une politique municipale de la race, La fabrique édition, 2014<br />
** Libertad Albert, '''Le culte de la Charogne''', Anarchisme, un état de révolution permanente (1897-1908), Agone, 2006<br />
** Steiner Anne, '''Les en-dehors, Anarchistes individualistes et illégalistes à la Belle Epoque''', L'échappée, 2007<br />
* Chasse-Goupille 5 <br />
** Marius Jacob, '''Travailleurs de la nuit''', Paris, L'Insomniaque, 1999<br />
* Chasse-Goupille 6 <br />
** Waintrop Eduard, '''Les anarchistes espagnols 1868-1981''', Denoël, 2012<br />
* Chasse-Goupille 8<br />
** Al-Mansour Haïfaa, '''Wadjda''' (film)<br />
** Alghoul Asmaa, Nassib Selim, '''L'insoumise de Gaza''', Babelio <br />
** Federico Gargallo Edo, '''La raison douloureuse''', Anselmo Lorenzo<br />
** Lenoir Hugues, '''Madeleine Vernet''', Les éditions du monde libertaire, 2014<br />
* Chasse-Goupille 9 <br />
** Cossery Albert, '''Une ambition dans le désert & La violence et la dérision''', Joëlle Losfeld<br />
** Fenandez Enrique et Charlone César, '''Les Toilettes du pape''', (film franco-brésilo-uruguayen), 2008.<br />
** Lax Christian, '''Echappées belles''' : '''l'écureuil du Vél d'hiv'''' & '''L'aigle sans orteils''' & '''Pain d'alouettes''', Futuropolis<br />
** Les dérailleuses, '''Londonberry''', Montréal<br />
* Chasse-Goupille 10 <br />
** Nwankwo Nkem, '''Ma Mercedes est plus grosse que la tienne''', le serpent à plumes, 1975<br />
** Weiss Ebon, '''Bike Snob chronique d'un fou d'un vélo''', Marabout, 2013<br />
** Renaud, Yvette et Michel, '''Vélocipèdes et Bicyclettes en Charente''', FALM<br />
* Chasse-Goupille 11<br />
** Al-Aswany Alaa, '''L'Hôtel Iacoubian''', Babelio<br />
** Razemon Olivier, '''Le pouvoir de la pédale''', Babelio<br />
** Héran Frédéric, '''Le retour de la bicyclette (une histoire des déplacements en Europe de 1817 à 2050)''', La Découverte<br />
** Preston Paul, '''Une guerre d'extermination, Espagne 1936-1945''', Belin, 2016<br />
** Crawford Mathhew B., '''Eloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail''', La découverte, 2009<br />
** Vidal Aude, '''Egologie Ecologie Individualisme et Course au bonheur''', le monde à l'envers, 2017<br />
* Chasse-Goupille 12<br />
** Romero Sivent Manuel, '''Le cordonier d'Alicante''', Edition CNT-RP, 2017<br />
** Cyran Olivier, Brygo Julien, '''Boulots de merde, du cireur au trader, enquête sur l'utilité et la nuisance sociales des métiers''', la découverte, 2016<br />
** Weber Hélène, '''Du Ketchup dans les veines, pratiques managériales et illusions: Le cas McDonald's''', Eres, 2005<br />
** Sempé, '''Raoul Taburin''', Folio Junior, 1949, réed. 2012<br />
* Chasse-Goupille 13 <br />
** Sepulveda Luis, '''Le monde au bout du monde''', Babelio.<br />
** Ratcharge, '''Entre un néant et un autre''', Les éditions des mondes à faire<br />
** '''"Pelles et Gamelles"''', fanzine, 2007<br />
* Chasse-Goupille 14<br />
** Vergès Françoise, '''Féminisme décolonial''', La fabrique<br />
**bell hook, '''Ne suis-je pas une femme? Femmes noires et féminisme''', Cambourakis<br />
** Cossery Albert, '''Les fainéants dans la vallée fertile''', Joëlle Losfeld<br />
** Un pod cast à soi, '''Du pain et des roses'''<br />
**Zeniter Alice, '''L'art de perdre''', Flammarion, 2017<br />
* Chasse-Goupille 15<br />
** Tuaillon Victoire, '''Les couilles sur la table''', Binge édition (existe aussi en podcast sur binge)<br />
** Ly Grace, Diallo Rockaya, '''kiff ta race''', Binge Audio<br />
** Izrar Leïla, '''Tarab''', sur Binge Audio<br />
** De Lépinay Adeline, '''Organisons-nous!Manuel critique''', Hors d'atteinte, 2019<br />
** Bigaoui Samuel, '''68, mon père et les clous''' (film)<br />
** Guillon Alain, Worms Philippe, '''Chut…!''' (Film)<br />
** Eribon Didier, '''Retour à Reims''' et '''La société comme Verdict'''<br />
** Louis Edouard, '''Qui a tué mon père''' et '''Eddy Bellegueule''' et dir. '''Bourdieu, l'insoumission en héritage'''<br />
** Ernaux Annie, '''La place''' et '''Regarde les lumières mon amour'''<br />
** Anställning Äke, '''Le travailleur de l'extrême''', CMDE, 2018<br />
** Morel-Darleux Corinne, '''Plutôt couler en beauté, que flotter sans grâce''', Libertalia, 2019<br />
** Ferdinand Malcom, '''Une écologie décoloniale, penser l'écologie depuis le monde caribéen''', Anthropocène, 2019<br />
** Médiapart, Tukano Daira, Ouassak Fatima, '''Décoloniser l'écologie''' (vidéo: <ref>https://www.youtube.com/watch?v=HHOKanmMpFo</ref>)<br />
*Chasse-Goupille 16<br />
**Goldman Emma, '''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolutions''', L'échapée, 2018<br />
**Minoui Delphine, '''Les passeurs de livres de Daraya, une bibliothèque secrète en Syrie''', Seuil, 2017<br />
**Meltz Raphaël, '''Une histoire politique de la roue''', La librairie Vuibert, 2020<br />
**L'Heuillet Héléne, '''Eloge du retard''', Albin Michel, 2020<br />
**Kosmann Robert, '''Sorti d'usine, la "perruque" un travail détourné''', Syllepse, 2018<br />
**Hamelin Eric, Razemon Olivier, '''La tentation du bitume, Où s'arrêtera l'étalement urbain?''', l'écopoche, 2020<br />
**Collectif "Presse-Cuvette", '''Contre-Ecrou n°1, fanzine vélorutionnaire briochin''', 2020<br />
**Loria Mazzura, Quadruppani Serge, '''A la table de Yasmina, sept histoires et cinquante recettes de Sicile au parfum d'Arabie''', Métailié, 2009<br />
**Sankara Thomas, '''L'émancipation des femmes et la lutte de libération de l'Afrique''', Pathfinder, 2011<br />
**Héritier Françoise, '''Le sel de la vie''', Odile Jacob, 2017<br />
**Salé Jules, '''L'exploitation à la cool, dans l'enfer de l'exploitation à vélo''', Stock, 2020<br />
**Zalzett Lily, Fihn Stella, '''Te plains pas c'est pas l'usine''', Niet, 2020<br />
**Ponthus Joseph, '''A la ligne, cahier d'usine''', Table ronde, 2020<br />
**Metz Thierry, '''Journal d'un manœuvre''', L'Arpenteur, 1990<br />
**Martin Jaime, '''Nous aurons toujours 20 ans''', Dupuis, 2020<br />
*Chasse-Goupille 17<br />
**Salvayre Lydie, '''Tout homme est une nuit''', Seuil, 2017<br />
**Jablonka Ivan, '''Le corps des autres''', seuil, 2015 (Un petit livre sur le travail des esthécticiennes, sur le travail de celles qui prennent soin des autres)/ '''Des hommes justes, du patriarcat aux nouvelles masculinités''', Seuil, 2019<br />
**Chauvier Eric, '''Anthropologie''', Allia, 2006<br />
**Maillart Ella, '''Croisières et caravanes''', Payot, 1951<br />
**Rancière Jacques, '''La nuit des prolétaires, archives du rêve ouvrier''', Fayard, 1981<br />
**Jarrige François, '''Eloge du pissenlit''', Alternatives-agroculturelles.fr, 01/12/2016<br />
#REDIRECTION Eloge du pissenlit.pdf<br />
**Klein Anaïs, '''L'Histoire du gazon, symptôme de nos contradictions face à la nature''', France Culture, 3/5/2021 <br />
*Chasse-Goupille 18<br />
**Lupano, Cheminineau, '''La bibliomule de Cordoue''', Dargaud<br />
**Davodeau Etienne, '''Le droit du sol, journal d'un vertige''', Futuropolis, 2021 <br />
**Gauny Gabriel, '''Le philosophe plébéin''', La fabrique<br />
**hooks bell, '''Apprendre à transgresser''', Syllepse, 2019<br />
**Graeber David, '''La démocratie aux marges''', Champs, 2018<br />
**Aubenas Florence, '''Le quai de Ouistreham''', L'Olivier, 2010<br />
**James C. Scott, '''Zomia ou l'art de ne pas être gouverné''', Point, 2019<br />
**Levison Iain, '''Un petit boulot''', Liana Lévi, 2004<br />
*Chasse-Goupille 19<br />
**Ouassak Fatima, '''La puissance des mères, pour un nouveau sujet révolutionnaire''', La Découverte, 2020<br />
**Ouassak Fatima, '''Pour une écologie pirate''', et nous seront libres, La Découverte, 2023<br />
**Bahafou Myriam, '''Des paillettes sur le compost, écoféminisme au quotidien''', Le passager clandestin, 2022<br />
**Meurice Guillaume, '''Petit éloge de la médiocrité''', Les Pérégrines, 2023<br />
**Meurice Guillaume, '''Le roi n'avait pas ri''', J.C. Lattès, 2021<br />
*Chasse-Goupille 20<br />
**De Montaigne Tania, '''Sensibilité''', Grasset, 2023<br />
**Lauret Fabienne, '''Une féministe à l'atelier: l'envers de Renault-Flins''', La Boite à Bulles, 2022<br />
**Papanek Victor, '''Disign pour un monde réel''', Les presses du réel, 2021<br />
** Denis Jérôme, Pontille David, '''Le soin de choses: politique de la maintenance''', La Découverte, 2022<br />
<br />
Mais aussi la lecture assidue du blog de '''La tête dans le guidon (à Angers)''', celui de '''Les mots sont importants (lmsi.net)'''… Puis la lecture et les conseils de lectures de '''CQFD'''… La formidable '''Revue Z''', surtout pour les numéros sur Vénissieux (sur la racisme et la répression), Marseille (sur les luttes féministes), Paris (sur le travail social et les migrants)…<br />
<br />
Voilà toutes ses choses auxquels Chasse-Goupille est redevable, dont il s'est inspiré, et encore d'autres, qui n'ont pas moins d'importance mais auxquels nous ne pensons pas pour l'instant… Merci à elles et eux !<br />
<br />
==Où trouver Chasse-Goupille ?==<br />
<br />
Ici même, sur le Wiklou.<br />
<br />
En vente :<br />
* À Bordeaux, à Total Heaven, N'a qu'un œil, la Machine à lire, La librairie du Muguet, Récup'R, à Disparate[http://www.disparate.fr/ (love & zine)], au Bureau des possibles (Salon de thé & Brunch) [https://www.leburodespossibles.fr/ ici] … ;<br />
* À Angoulême, à la Cyclofficine ;<br />
* Dans les bureaux de [https://www.heureux-cyclage.org/contact-us.html L'Heureux Cyclage]<br />
* Au Kiosque de la Tortue à Rabastens dans le Tarn.<br />
* Atelier de reliure "Livresse" à Montolieu (11170) https://www.atelierlivresse.fr/reliures-traditionnelles/<br />
* À Saint-Brieuc (22), à l'atelier d'auto-réparation de l'association Vélo Utile.<br />
* À Toulouse, à l'atelier Vélorution!<br />
* Puis, dans les divers distros et infokiosques des copain·e·s plus ou moins ambulants !<br />
<br />
En consultation :<br />
* À la fanzinothèque de Poitiers, à Pignon sur Rue (Lyon), dans certains ateliers vélos de l'[https://www.heureux-cyclage.org/les-ateliers-en-france.html Heureux Cyclage]… ;<br />
* Au salon de thé autogéré Le Samovar<br />
* Au centre de ressource de la [http://www.mnei.fr/ MNEI].<br />
<br />
* Sinon, pour vous en procurer, écrivez à Chasse-Goupille[at]hotmail.com.<br />
<br />
[[Fichier:Chasse-goupille 9.jpg|vignette|centré|couverture]]<br />
<br />
==Récompenses et distinctions==<br />
<br />
* ''Chasse Goupille'' a été élu livre du mois d'octobre 2017 au [http://www.lesamovar.ouvaton.org/spip.php?article39 Samovar] (salon de tisanes et lecture autogéré à Bordeaux).<br />
* Un article sur le site Biblio-cycles de Philippe Orgebin, Hervé Le Cahain et Jean-Yves Mounier [http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2017/09/26/chasse-goupille-collectif-5983552.html ici]<br />
* "Excellent" selon le mot d'une copine écrivaine. Merci à elle ! (Kaburimbo dans le n°9)<br />
* Un petit billet gentil des ami-es du Samovar: "Chasse-Goupilles n°11 / Fanzine écrit, imaginé, dessiné, tapé à la machine, photocopié, aggravé et vendu sous le manteau. 2017 <br />
<br />
Le Chasse-goupille nouveau est arrivé ! Chasse-goupille, mais si…, vous savez,… ce fanzine vélo-centré, tapé à la machine, fabriqué avec amour, dont les articles stimulants côtoient des dessins rafraichissants au service d’idées cyclo-enthousiasmantes !<br />
On retrouvera dans ce 11è n° un condensé d’énergie vitale vélocipédique capable d’ouvrir les ouïes, de chatouiller les cœurs et de rémoustiller tous les mollets - fussent-ils mous.<br />
Chasse-goupilles, c’est 40 pages de bonheur à pédales propulsées par une équipe aéro-dynamique. On le trouve dans toutes les bonnes fanzinothèques, et dans la brochurerie du Samovar, évidemment.<br />
A déguster avec délectation, munie d’une tartine de cambouis chaud, accompagnée d’un bon verre d’apéroue (alcool de pneu goût orange, marque déposée."<br />
<br />
=== Nouveaux Projets Chassegoupillesques ===<br />
<br />
# '''Meta-goupille''' : un fanzine qui aurait pour objectif de montrer ce qu'il y a de vélorutionnaire à écrire un fanzine sur le vélo et l'émancipation… On y parlerait du fond et de la forme, d'auto-édition… Ce serait très chouette, mais faut l'écrire et ça se fait pas tout seul !!<br />
# '''Grande exposition ambulante de Chasse-Goupille''' : Des dessins gigantesques, des textes en exergue, des vélos rigolos, de l'anarchie, des trucs décalés… Ce serait une expo, chouette, vivante et enthousiasmante qui transformerait n'importe qui en farouche défenseur des bicyclettes et de la liberté… On va bientôt se mettre à travailler !<br />
# '''Lino 1, Moquette 0''' : Projet collectif de compilation de linogravures vélorutionnaires. Ce serait très classe, sur du beau papier avec une belle reliure.<br />
# '''Cartes postales linogravées Chasse-Goupille''' pour développer la propagande par le courrier et les vœux de bonne année (et plein d'autres occasions) !<br />
<br />
==Infos comme ça==<br />
<br />
Contact : chasse-goupille [chez] hotmail.com<br />
Édition recyclope, Bordeaux<br />
<br />
[[Catégorie:Le mouvement vélorution]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Fanzine]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Chasse-Goupille_17_nouvelle_version.pdf&diff=23195Fichier:Chasse-Goupille 17 nouvelle version.pdf2024-02-21T07:35:21Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
<hr />
<div>=={{int:filedesc}}==<br />
{{Information<br />
|description={{fr|1=fanzine sur l'émancipation et le vélo}}<br />
|date=2024-02-21<br />
|source={{own}}<br />
|author=[[User:Benjamin|Benjamin]]<br />
|permission=<br />
|other versions=<br />
}}<br />
<br />
=={{int:license-header}}==<br />
{{self|cc-by-sa-4.0}}<br />
<br />
Ce fichier a été téléchargé avec l'extension UploadWizard<br />
<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=L%27Atelier_des_miracles&diff=23184L'Atelier des miracles2024-02-20T06:22:56Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Couverture atelier des miracles 2 JPEG.jpg|vignette|gauche|Couverture]]<br />
[[Fichier:4emme de converture.jpg|vignette|gauche|quatrième de couverture]]<br />
[[Fichier:Affiche rencontre atelier miracles.jpg|thumb|annonce pour une présentation de l'atelier des miracles]]<br />
[[Fichier:Montpelier.png|thumb|Exemple de présentoir vélorutionnaire]]<br />
<br />
[[Fichier:Récup'R.jpg|thumb|photo de l'atelier]]<br />
'''''L'atelier des Miracles''''' est un livre de Benjamin Pichot-Garcia publié en 2023 aux [https://lestroiscanards.ouvaton.org/ éditions des Trois Canards]. Le titre complet est ''L'atelier des Miracles, les activités cachées d'un atelier d'auto-réparation de vélo et de couture''. Il est la version améliorée, retravaillée et complétée d'un mémoire réalisé à l'université de Rennes dans le cadre du Diplôme Universitaire Education Populaire et Transformation Sociale, à l'époque le mémoire s'appelait ''Récup'R "un atelier participatif et solidaire de vélo et de couture, ce n'est pas que du vélo et de la couture!"(Mémoire sur les activités cachées de l'atelier et beaucoup d'autres choses'' (Ce qui est un peu long!)<br />
Ce livre a été réalisé en collaboration avec Guillaume Sabin ethnologue, enseignant-chercheur, auteur de '''''[https://pur-editions.fr/product/ean/9782753535022/l-archipel-des-egaux L'Archipel des Égaux, luttes en terre argentine]''''' et de '''''[https://www.editionslibertalia.com/catalogue/nautre-ecole/12-la-joie-du-dehors La Joie du dehors, essai de pédagogie sociale]'''''. Il en signe d'ailleurs la préface.<br />
<br />
=== Le résumé du livre ===<br />
[[Fichier:Le dragon sur le toit.jpg|thumb|dragon sur le toit]]<br />
<br />
''L’Atelier des Miracles'' raconte le quotidien d’un atelier d’auto-réparation de vélo et de couture. Ces deux activités, d’apparence inoffensives, -si elles sont pratiquées en collectif-, ne tardent pas à devenir subversives car elles conduisent à penser et à agir sur des problématiques plus vastes : réduction/production des déchets, autonomisation/fragilité des personnes, solidarité/exclusion, délitement des services publics/privatisations, responsabilité/place de chacun-e dans la tâche de nettoyer le Monde…<br />
<br />
Dans une période d’[https://www.editionsladecouverte.fr/acceleration-9782707154828 accélération], où les catastrophes politiques et environnementales se succèdent, il est question d’un lieu où souvent à l’abri des regards, des personnes s’activent, avec calme et détermination, pour réaliser ce qu’elles pensent juste. Loin des discours et des déclarations grandiloquentes, elles améliorent leurs quotidiens : raccommodent leurs affaires, réparent leurs vélos, se soutiennent, partagent leurs bonnes idées, s’investissent pour leur quartier... Et, par ce geste-réflexe de la réparation et de l’auto-réparation réussissent à se réapproprier leurs vies et à rendre leur univers un peu plus vivable.<br />
<br />
Cette belle histoire pourrait être un conte destiné aux enfants ou une douce illusion que les adultes se raconteraient pour se détourner des temps de haine et de repli sur soi que chaque jour les médias prédisent. Elle pourrait également être une métaphore de la résistance contre les attaques néolibérales qui dévorent notre société. Mais n’en déplaise aux pessimistes et aux grincheux, cet atelier existe bien ! Et, il n’est pas seul ! D’autres existent, essaiment, sans bruit, se fédèrent, s’entraident, frayant leur chemin en dehors des canons institutionnels, écologiques, militants, entrepreneuriaux, mêlant écologie et solidarité, en y ajoutant beauté et dignité !<br />
<br />
=== A qui s'adresse le livre? ===<br />
<br />
Cet ouvrage s’adresse à toutes les personnes impliquées, de près ou de loin, dans les initiatives environnementalistes de terrain : ateliers de réparation, repair café, jardins partagés, cafés associatifs, etc. Il s’adresse aussi aux travailleur-ses associatifs (Stagiaires, volontaires en services civiques, bénévoles, administrateur-ices et salarié-es), notamment celles et ceux du milieu de l’animation socio-culturelle. Sa lecture pourrait aussi intéresser toutes les personnes soucieuses de mêler analyses écologistes, syndicalistes et féministes. Il est destiné à un large public. Nous l’avons voulu vif, parfois drôle, mélangeant entretiens, analyses, questionnements, récits individuels et moments collectifs. A l’heure où les ateliers de vélos et de couture sont en vogue, il semblait pertinent de témoigner de l’envers du décor, de parler des conditions de production.<br />
<br />
=== Influences ===<br />
<br />
Cet ouvrage est inspiré des travaux de la sociologue '''Maud Simonet''' sur le travail gratuit et son invisibilisation '''''[https://www.editionstextuel.com/livre/travail-gratuit-la-nouvelle-exploitation Travail gratuit: la nouvelle exploitation]''''' et sur l’analyse de l’historienne '''Fanny Gallot''' qui dans son livre '''''[https://www.editionsladecouverte.fr/en_decoudre-9782707182418#:~:text=Elles%20ont%20mis%20en%20cause,de%20tout%20d%C3%A9l%C3%A9guer%20aux%20hommes. En découdre : comment les ouvrières ont révolutionné le monde du travail et la société]''''' analyse les luttes des femmes ouvrières entre le féminisme et la lutte de classe. Nous nous sommes également inspirés de '''''[https://www.editionsladecouverte.fr/eloge_du_carburateur-9782707160065 L’éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail]''''' de '''Matthew B. Crawford'''. Dans cet ouvrage l’auteur juxtapose le démantèlement et la dévalorisation des filières manuelles en Occident et la survalorisation de la production intellectuelle du think thank où il est salarié. <br />
Mais surtout '''''L'atelier des Miracles''''' s’inscrit dans une pensée et une culture libertaire et populaire, et puise dans des sources variées, du roman au podcast, des fanzines aux récits sur la guerre civile espagnole.<br />
<br />
=== Les auteur-ices ===<br />
[[Fichier:Trop de cowboys.jpg|thumb|Chica con bici]]<br />
<br />
Depuis 12 ans Benjamin Pichot-Garcia, l'auteur de ce livre, est mécanicien-animateur dans un atelier associatif d’auto-réparation de vélo et de couture. Titulaire d'un Master II en sciences humaines et d'un niveau IV en mécanique cycles et motocycles, il a été bénévole dans une librairie libertaire, puis a fabriqué et diffusé des [[Chasse-Goupille_(fanzine)|fanzines]]. Il y a quelques années il a obtenu un diplôme universitaire d’Education Populaire et de Transformation Sociale et écrit ce livre pour témoigner de son expérience associative et vélocipédique.<br />
<br />
Ce livre a bénéficié du soutien de plus de 50 personnes. 36 personnes ont été interrogées (des adhérent-es, des administrateur-ices, des mécanicien-nes, des travailleur-ses du secteur associatif, des syndicalistes, deux psychomotriciennes, une ergonome, une écrivaine, une bibliothécaire, des écologistes, des féministes, des étudiant-es, des punks, des voisin-es, etc.) De nombreuses personnes ont suivies l'écriture au jour le jour, faisant des commentaires, proposant des pistes, conseillant des livres (Merci à Margot, Camille, Améli-e, Mahalia, Carole, etc.), d'autres ont participé aux relectures, corrections, annotations, commentaires, améliorations, mises en page (Stéphanie, Guillaume, Jean, etc.)... Merci tout particulièrement à Ludovic qui s'est porté volontaire pour l'énorme travail de mise en page de ce document. Ce livre a aussi compté une bonne douzaine de chouettes illustrations (Merci aux artistes!). Merci également à Guillaume Sabin qui a relu, commenté, encouragé, conseillé tout le long (et qui a même signé la préface!). Merci aussi, enfin, aux éditions des Trois Canards, qui ont soutenu ce projet, l'ont accepté tel qu'il est et s'investissent pour qu'il existe et réussisse (en dessinant notamment une belle couverture!). <br />
<br />
Pour finir, merci au réseau l'Heureux Cyclage, le réseau des ateliers participatifs et solidaires de vélos... Et, surtout, à l'association Récup'R - l'atelier participatif de vélo et de couture - et à ses adhérent-es et à mes collègues qui ont contribué (et supportés) l'écriture de ce livre.<br />
<br />
=== Diffusion du livre ===<br />
[[Fichier:Couture.jpg|thumb|atelier de couture]]<br />
<br />
'''Où trouver L'Atelier des miracles?'''<br />
<br />
Le livre est vendu 12 euros dans les bonnes librairie et les bons ateliers d'auto-réparation. Sinon, pour l'acquérir, il suffit d'écrire un mail à Chasse-Goupille[at]hotmail.com.<br />
Ensuite, nous verrons comment l'acheminer (Un envoi par la Poste coûte environ 6 euros car le livre pèse 500 grammes).<br />
<br />
A Bordeaux: '''La Machine à Lire'', '''La Mauvaise Réputation''', '''Disparate''', à Récup'R, '''Aux Mots du Zébre''' (Eysine), '''Les 400 coups''' (Bordeaux). '''L'Eco-Libri''', '''Le Temps Presse''' & '''La station Vélo''' (Créon), '''Lisons sous la pluie''' (Latresne). A Grenoble, au siège de '''LHC''' (à la MNEI). A la '''CLAVETTE lyonnaise'''. A Paris à la librairie Quilombo. A Bergerac, aux '''éditions des Trois Canards'''. A Brest, à '''La Petite Librairie'''. A La Rochefoucauld, '''au Trait d'Union''' (16). '''La Palpitante''' à Mens (38). '''La Rencontre''', '''L'Etabli des mots''', '''L'astrolabe''' et '''Planete IO''' à Rennes (35). '''L'autodidacte''' à Besançon. '''Jeux 2 mots''' à Cadillac (33). A A la '''bibliothèque de Montemboeuf''' (16). '''Au vieux biclou''' à Montpelier. La '''Libr'Eyre''' à Belin-Beliet (33). Sur les tables de presse de soutien au '''journal S!lence''' de Gironde. Etc.<br />
<br />
'''Diffusion militante'''<br />
[[Fichier:Discussion-atelier-des-miracles-29-fevrier-2024-librairie-la-gryffe-lyon-7.jpg|vignette|droite|Le livre en tournée!!!]]<br />
<br />
Bien que le livre ait un éditeur, Les Trois Canards, il n'a pas de [[diffuseur]]. C'est à dire que la distribution, la diffusion et la vente sont éffectuées de manière artisanale (Aller rencontrer des libraires militants, vente sur des stands, par le bouche à oreille, envoi via la Poste ou la Punk-Poste, etc.)<br />
Donc, un grand merci aux ateliers d'auto-réparation (et aux autres!), aux [[Clavette|C.L.A.V.E.T.T.E.S.]], aux ami-es, aux libraires, aux punks, aux fanzineux-ses et à toutes les personnes de bonnes volontés, qui s'impliquent dans la promotion et la vente du livre. Sans ce travail ''L'Atelier des miracles'' resterait enfermé, triste et inoffensif dans ses cartons. Merci pour lui! Liberté de circulation pour tout le monde ! Pour les personnes, les idées et pour les livres.<br />
<br />
=== Revue de presse ===<br />
<br />
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Charente Libre Article 25 mai 2023.pdf|Article Charente libre 25 mai 2023<br />
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<br />
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Article Sud Ouest. L'atelier des miracles.jpg|Article Sud Ouest. L'atelier des miracles. 1/7/2023<br />
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<br />
Sur le blog Biblio-Cycles http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2023/03/26/pichot-garcia-benjamin-6435172.html et http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2023/10/13/chasse-goupille-collectif-6465799.html<br />
<br />
Sur le blog de la Tête dans le guidon (à Angers) https://latetedansleguidon.blogspot.com/2023/11/activites-chorales.html<br />
<br />
<gallery><br />
L'atelier des miracles dans L'Age de Faire. oct. 2023.jpg|Article du journal L'Age de faire, numéro d'octobre 2023<br />
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<br />
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Article Silence.pdf|L'atelier des miracles dans Silence octobre 2023<br />
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<br />
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Arpentage atelierdesmiracles.pdf<br />
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<br />
=== Pour se faire une idée plus précise ===<br />
<br />
La table des matières:<br />
https://wiklou.org/wiki/Fichier:Table_des_mati%C3%A8res.pdf<br />
<br />
La préface de ''L'atelier des miracles, les activités cachées d'un atelier de vélo et de couture'' par Guillaume Sabin:<br />
https://wiklou.org/wiki/Fichier:Pr%C3%A9face_Atelier_des_miracles,_les_activit%C3%A9s_cach%C3%A9es_d%27un_atelier_de_v%C3%A9lo_et_de_couture.pdf<br />
<br />
=== Présentations publiques ===<br />
<br />
-20 au 23 avril stand aux '''Rencontres nationales de l'Heureux Cyclage''' à Grenoble.<br />
<br />
-3 juin présentation à la '''bibliothèque municipale''' de Montemboeuf (16).<br />
<br />
-4 juin stand à '''Raz le zine''' à l'Atelier 10 de Floirac.<br />
<br />
-18 juin arpentage/présentation à '''l'Université Populaire de Bordeaux'''.<br />
<br />
-7-8 Juillet au '''Zinefest''' (Bordeaux)<br />
<br />
-8,9,10 septembre à '''l'Imprévu, Festival de la Différence,''' à Montemboeuf (Charente)<br />
<br />
-16 septembre présentation à la librairie '''Eco-Libri''' à Créon (33) dans le cadre du '''festival Bougeotte'''.<br />
<br />
-30 septembre présentation à l'atelier '''des jantes et des gens''' (Périgueux - 24), dans le cadre des rencontres régionales de LHC. <br />
<br />
-12, 13, 14 octobre à '''La Rencontre''', à '''L'Etabli des mots''' et à '''Planet IO/Le village des possibles''', à Rennes.<br />
<br />
-14 novembre à L'autodidacte à '''Besançon''' (Dans le cadre des rencontres entre salarié-es de L'Heureux Cyclage). <br />
<br />
-9 décembre au marché de Noël de l'AMAP (Association pour le Maintien de l'Agriculture paysanne) à '''Créon'''<br />
<br />
-16 décembre à '''Saint-Caprais-de-Bordeaux''' au marché de Noël de Grains de blé's (Biologique Local Équitable et Solidaire) .<br />
<br />
-7 février à L'atelier de vélo et de couture Récup'R de '''Bordeaux'''.<br />
<br />
-24 et 25 février au festival du Cyclo Camping International au '''Mans'''.<br />
<br />
-29 février à la librairie libertaire La Gryffe (à Lyon)<br />
<br />
-1, 2, 3 mars, au Festival Primevere de '''Lyon''' (avec la Coordination Locale des Ateliers Vélos de Lyon).<br />
<br />
-le 23 mars au lieu autogéré La Chapelle à '''Toulouse''' invité par le collectif Seitan's Bike Hell Punks. '''Reporté!!!'''<br />
<br />
-20, 23 avril, aux '''Rencontres Nationales de L'Heureux Cyclage à Nantes'''<br />
<br />
A venir : '''Caussade''', '''Brest''', '''Rennes''', '''Pau''', '''Figeac''', etc.<br />
<br />
=== Bonus ===<br />
<br />
'''Édition des Trois Canards''' : <br />
#REDIRECTION [[https://lestroiscanards.ouvaton.org/]]<br />
<br />
'''Guillaume Sabin''' (ethnologue) :<br />
#REDIRECTION [[https://www.editionslibertalia.com/catalogue/nautre-ecole/12-la-joie-du-dehors]]<br />
<br />
'''Chasse-Goupille''' (Fanzine) :<br />
#REDIRECTION [[https://wiklou.org/wiki/Chasse-Goupille_(fanzine)]]<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Fanzine]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Couture]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=L%27Atelier_des_miracles&diff=23183L'Atelier des miracles2024-02-20T06:21:26Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Couverture atelier des miracles 2 JPEG.jpg|vignette|gauche|Couverture]]<br />
[[Fichier:4emme de converture.jpg|vignette|gauche|quatrième de couverture]]<br />
[[Fichier:Affiche rencontre atelier miracles.jpg|thumb|annonce pour une présentation de l'atelier des miracles]]<br />
[[Fichier:Montpelier.png|thumb|Exemple de présentoir vélorutionnaire]]<br />
<br />
[[Fichier:Récup'R.jpg|thumb|photo de l'atelier]]<br />
'''''L'atelier des Miracles''''' est un livre de Benjamin Pichot-Garcia publié en 2023 aux [https://lestroiscanards.ouvaton.org/ éditions des Trois Canards]. Le titre complet est ''L'atelier des Miracles, les activités cachées d'un atelier d'auto-réparation de vélo et de couture''. Il est la version améliorée, retravaillée et complétée d'un mémoire réalisé à l'université de Rennes dans le cadre du Diplôme Universitaire Education Populaire et Transformation Sociale, à l'époque le mémoire s'appelait ''Récup'R "un atelier participatif et solidaire de vélo et de couture, ce n'est pas que du vélo et de la couture!"(Mémoire sur les activités cachées de l'atelier et beaucoup d'autres choses'' (Ce qui est un peu long!)<br />
Ce livre a été réalisé en collaboration avec Guillaume Sabin ethnologue, enseignant-chercheur, auteur de '''''[https://pur-editions.fr/product/ean/9782753535022/l-archipel-des-egaux L'Archipel des Égaux, luttes en terre argentine]''''' et de '''''[https://www.editionslibertalia.com/catalogue/nautre-ecole/12-la-joie-du-dehors La Joie du dehors, essai de pédagogie sociale]'''''. Il en signe d'ailleurs la préface.<br />
<br />
=== Le résumé du livre ===<br />
[[Fichier:Le dragon sur le toit.jpg|thumb|dragon sur le toit]]<br />
<br />
''L’Atelier des Miracles'' raconte le quotidien d’un atelier d’auto-réparation de vélo et de couture. Ces deux activités, d’apparence inoffensives, -si elles sont pratiquées en collectif-, ne tardent pas à devenir subversives car elles conduisent à penser et à agir sur des problématiques plus vastes : réduction/production des déchets, autonomisation/fragilité des personnes, solidarité/exclusion, délitement des services publics/privatisations, responsabilité/place de chacun-e dans la tâche de nettoyer le Monde…<br />
<br />
Dans une période d’[https://www.editionsladecouverte.fr/acceleration-9782707154828 accélération], où les catastrophes politiques et environnementales se succèdent, il est question d’un lieu où souvent à l’abri des regards, des personnes s’activent, avec calme et détermination, pour réaliser ce qu’elles pensent juste. Loin des discours et des déclarations grandiloquentes, elles améliorent leurs quotidiens : raccommodent leurs affaires, réparent leurs vélos, se soutiennent, partagent leurs bonnes idées, s’investissent pour leur quartier... Et, par ce geste-réflexe de la réparation et de l’auto-réparation réussissent à se réapproprier leurs vies et à rendre leur univers un peu plus vivable.<br />
<br />
Cette belle histoire pourrait être un conte destiné aux enfants ou une douce illusion que les adultes se raconteraient pour se détourner des temps de haine et de repli sur soi que chaque jour les médias prédisent. Elle pourrait également être une métaphore de la résistance contre les attaques néolibérales qui dévorent notre société. Mais n’en déplaise aux pessimistes et aux grincheux, cet atelier existe bien ! Et, il n’est pas seul ! D’autres existent, essaiment, sans bruit, se fédèrent, s’entraident, frayant leur chemin en dehors des canons institutionnels, écologiques, militants, entrepreneuriaux, mêlant écologie et solidarité, en y ajoutant beauté et dignité !<br />
<br />
=== A qui s'adresse le livre? ===<br />
<br />
Cet ouvrage s’adresse à toutes les personnes impliquées, de près ou de loin, dans les initiatives environnementalistes de terrain : ateliers de réparation, repair café, jardins partagés, cafés associatifs, etc. Il s’adresse aussi aux travailleur-ses associatifs (Stagiaires, volontaires en services civiques, bénévoles, administrateur-ices et salarié-es), notamment celles et ceux du milieu de l’animation socio-culturelle. Sa lecture pourrait aussi intéresser toutes les personnes soucieuses de mêler analyses écologistes, syndicalistes et féministes. Il est destiné à un large public. Nous l’avons voulu vif, parfois drôle, mélangeant entretiens, analyses, questionnements, récits individuels et moments collectifs. A l’heure où les ateliers de vélos et de couture sont en vogue, il semblait pertinent de témoigner de l’envers du décor, de parler des conditions de production.<br />
<br />
=== Influences ===<br />
<br />
Cet ouvrage est inspiré des travaux de la sociologue '''Maud Simonet''' sur le travail gratuit et son invisibilisation '''''[https://www.editionstextuel.com/livre/travail-gratuit-la-nouvelle-exploitation Travail gratuit: la nouvelle exploitation]''''' et sur l’analyse de l’historienne '''Fanny Gallot''' qui dans son livre '''''[https://www.editionsladecouverte.fr/en_decoudre-9782707182418#:~:text=Elles%20ont%20mis%20en%20cause,de%20tout%20d%C3%A9l%C3%A9guer%20aux%20hommes. En découdre : comment les ouvrières ont révolutionné le monde du travail et la société]''''' analyse les luttes des femmes ouvrières entre le féminisme et la lutte de classe. Nous nous sommes également inspirés de '''''[https://www.editionsladecouverte.fr/eloge_du_carburateur-9782707160065 L’éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail]''''' de '''Matthew B. Crawford'''. Dans cet ouvrage l’auteur juxtapose le démantèlement et la dévalorisation des filières manuelles en Occident et la survalorisation de la production intellectuelle du think thank où il est salarié. <br />
Mais surtout '''''L'atelier des Miracles''''' s’inscrit dans une pensée et une culture libertaire et populaire, et puise dans des sources variées, du roman au podcast, des fanzines aux récits sur la guerre civile espagnole.<br />
<br />
=== Les auteur-ices ===<br />
[[Fichier:Trop de cowboys.jpg|thumb|Chica con bici]]<br />
<br />
Depuis 12 ans Benjamin Pichot-Garcia, l'auteur de ce livre, est mécanicien-animateur dans un atelier associatif d’auto-réparation de vélo et de couture. Titulaire d'un Master II en sciences humaines et d'un niveau IV en mécanique cycles et motocycles, il a été bénévole dans une librairie libertaire, puis a fabriqué et diffusé des [[Chasse-Goupille_(fanzine)|fanzines]]. Il y a quelques années il a obtenu un diplôme universitaire d’Education Populaire et de Transformation Sociale et écrit ce livre pour témoigner de son expérience associative et vélocipédique.<br />
<br />
Ce livre a bénéficié du soutien de plus de 50 personnes. 36 personnes ont été interrogées (des adhérent-es, des administrateur-ices, des mécanicien-nes, des travailleur-ses du secteur associatif, des syndicalistes, deux psychomotriciennes, une ergonome, une écrivaine, une bibliothécaire, des écologistes, des féministes, des étudiant-es, des punks, des voisin-es, etc.) De nombreuses personnes ont suivies l'écriture au jour le jour, faisant des commentaires, proposant des pistes, conseillant des livres (Merci à Margot, Camille, Améli-e, Mahalia, Carole, etc.), d'autres ont participé aux relectures, corrections, annotations, commentaires, améliorations, mises en page (Stéphanie, Guillaume, Jean, etc.)... Merci tout particulièrement à Ludovic qui s'est porté volontaire pour l'énorme travail de mise en page de ce document. Ce livre a aussi compté une bonne douzaine de chouettes illustrations (Merci aux artistes!). Merci également à Guillaume Sabin qui a relu, commenté, encouragé, conseillé tout le long (et qui a même signé la préface!). Merci aussi, enfin, aux éditions des Trois Canards, qui ont soutenu ce projet, l'ont accepté tel qu'il est et s'investissent pour qu'il existe et réussisse (en dessinant notamment une belle couverture!). <br />
<br />
Pour finir, merci au réseau l'Heureux Cyclage, le réseau des ateliers participatifs et solidaires de vélos... Et, surtout, à l'association Récup'R - l'atelier participatif de vélo et de couture - et à ses adhérent-es et à mes collègues qui ont contribué (et supportés) l'écriture de ce livre.<br />
<br />
=== Diffusion du livre ===<br />
[[Fichier:Couture.jpg|thumb|atelier de couture]]<br />
<br />
'''Où trouver L'Atelier des miracles?'''<br />
<br />
Le livre est vendu 12 euros dans les bonnes librairie et les bons ateliers d'auto-réparation. Sinon, pour l'acquérir, il suffit d'écrire un mail à Chasse-Goupille[at]hotmail.com.<br />
Ensuite, nous verrons comment l'acheminer (Un envoi par la Poste coûte environ 6 euros car le livre pèse 500 grammes).<br />
<br />
A Bordeaux: '''La Machine à Lire'', '''La Mauvaise Réputation''', '''Disparate''', à Récup'R, '''Aux Mots du Zébre''' (Eysine), '''Les 400 coups''' (Bordeaux). '''L'Eco-Libri''', '''Le Temps Presse''' & '''La station Vélo''' (Créon), '''Lisons sous la pluie''' (Latresne). A Grenoble, au siège de '''LHC''' (à la MNEI). A la '''CLAVETTE lyonnaise'''. A Paris à la librairie Quilombo. A Bergerac, aux '''éditions des Trois Canards'''. A Brest, à '''La Petite Librairie'''. A La Rochefoucauld, '''au Trait d'Union''' (16). '''La Palpitante''' à Mens (38). '''La Rencontre''', '''L'Etabli des mots''', '''L'astrolabe''' et '''Planete IO''' à Rennes (35). '''L'autodidacte''' à Besançon. '''Jeux 2 mots''' à Cadillac (33). A A la '''bibliothèque de Montemboeuf''' (16). '''Au vieux biclou''' à Montpelier. La '''Libr'Eyre''' à Belin-Beliet (33). Sur les tables de presse de soutien au '''journal S!lence''' de Gironde. Etc.<br />
<br />
'''Diffusion militante'''<br />
[[Fichier:Discussion-atelier-des-miracles-29-fevrier-2024-librairie-la-gryffe-lyon-7.jpg|vignette|droite|Le livre en tournée!!!]]<br />
<br />
Bien que le livre ait un éditeur, Les Trois Canards, il n'a pas de [[diffuseur]]. C'est à dire que la distribution, la diffusion et la vente sont éffectuées de manière artisanale (Aller rencontrer des libraires militants, vente sur des stands, par le bouche à oreille, envoi via la Poste ou la Punk-Poste, etc.)<br />
Donc, un grand merci aux ateliers d'auto-réparation (et aux autres!), aux [[Clavette|C.L.A.V.E.T.T.E.S.]], aux ami-es, aux libraires, aux punks, aux fanzineux-ses et à toutes les personnes de bonnes volontés, qui s'impliquent dans la promotion et la vente du livre. Sans ce travail ''L'Atelier des miracles'' resterait enfermé, triste et inoffensif dans ses cartons. Merci pour lui! Liberté de circulation pour tout le monde ! Pour les personnes, les idées et pour les livres.<br />
<br />
=== Revue de presse ===<br />
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Charente Libre Article 25 mai 2023.pdf|Article Charente libre 25 mai 2023<br />
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Article Sud Ouest. L'atelier des miracles.jpg|Article Sud Ouest. L'atelier des miracles. 1/7/2023<br />
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Sur le blog Biblio-Cycles http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2023/03/26/pichot-garcia-benjamin-6435172.html et http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2023/10/13/chasse-goupille-collectif-6465799.html<br />
<br />
Sur le blog de la Tête dans le guidon (à Angers) https://latetedansleguidon.blogspot.com/2023/11/activites-chorales.html<br />
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L'atelier des miracles dans L'Age de Faire. oct. 2023.jpg|Article du journal L'Age de faire, numéro d'octobre 2023<br />
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Article Silence.pdf|L'atelier des miracles dans Silence octobre 2023<br />
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Exemple.jpg|Description 1<br />
Exemple.jpg|Description 2<br />
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=== Pour se faire une idée plus précise ===<br />
<br />
La table des matières:<br />
https://wiklou.org/wiki/Fichier:Table_des_mati%C3%A8res.pdf<br />
<br />
La préface de ''L'atelier des miracles, les activités cachées d'un atelier de vélo et de couture'' par Guillaume Sabin:<br />
https://wiklou.org/wiki/Fichier:Pr%C3%A9face_Atelier_des_miracles,_les_activit%C3%A9s_cach%C3%A9es_d%27un_atelier_de_v%C3%A9lo_et_de_couture.pdf<br />
<br />
=== Présentations publiques ===<br />
<br />
-20 au 23 avril stand aux '''Rencontres nationales de l'Heureux Cyclage''' à Grenoble.<br />
<br />
-3 juin présentation à la '''bibliothèque municipale''' de Montemboeuf (16).<br />
<br />
-4 juin stand à '''Raz le zine''' à l'Atelier 10 de Floirac.<br />
<br />
-18 juin arpentage/présentation à '''l'Université Populaire de Bordeaux'''.<br />
<br />
-7-8 Juillet au '''Zinefest''' (Bordeaux)<br />
<br />
-8,9,10 septembre à '''l'Imprévu, Festival de la Différence,''' à Montemboeuf (Charente)<br />
<br />
-16 septembre présentation à la librairie '''Eco-Libri''' à Créon (33) dans le cadre du '''festival Bougeotte'''.<br />
<br />
-30 septembre présentation à l'atelier '''des jantes et des gens''' (Périgueux - 24), dans le cadre des rencontres régionales de LHC. <br />
<br />
-12, 13, 14 octobre à '''La Rencontre''', à '''L'Etabli des mots''' et à '''Planet IO/Le village des possibles''', à Rennes.<br />
<br />
-14 novembre à L'autodidacte à '''Besançon''' (Dans le cadre des rencontres entre salarié-es de L'Heureux Cyclage). <br />
<br />
-9 décembre au marché de Noël de l'AMAP (Association pour le Maintien de l'Agriculture paysanne) à '''Créon'''<br />
<br />
-16 décembre à '''Saint-Caprais-de-Bordeaux''' au marché de Noël de Grains de blé's (Biologique Local Équitable et Solidaire) .<br />
<br />
-7 février à L'atelier de vélo et de couture Récup'R de '''Bordeaux'''.<br />
<br />
-24 et 25 février au festival du Cyclo Camping International au '''Mans'''.<br />
<br />
-29 février à la librairie libertaire La Gryffe (à Lyon)<br />
<br />
-1, 2, 3 mars, au Festival Primevere de '''Lyon''' (avec la Coordination Locale des Ateliers Vélos de Lyon).<br />
<br />
-le 23 mars au lieu autogéré La Chapelle à '''Toulouse''' invité par le collectif Seitan's Bike Hell Punks. '''Reporté!!!'''<br />
<br />
-20, 23 avril, aux '''Rencontres Nationales de L'Heureux Cyclage à Nantes'''<br />
<br />
A venir : '''Caussade''', '''Brest''', '''Rennes''', '''Pau''', '''Figeac''', etc.<br />
<br />
=== Bonus ===<br />
<br />
'''Édition des Trois Canards''' : <br />
#REDIRECTION [[https://lestroiscanards.ouvaton.org/]]<br />
<br />
'''Guillaume Sabin''' (ethnologue) :<br />
#REDIRECTION [[https://www.editionslibertalia.com/catalogue/nautre-ecole/12-la-joie-du-dehors]]<br />
<br />
'''Chasse-Goupille''' (Fanzine) :<br />
#REDIRECTION [[https://wiklou.org/wiki/Chasse-Goupille_(fanzine)]]<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Fanzine]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Couture]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Arpentage_atelierdesmiracles.pdf&diff=23182Fichier:Arpentage atelierdesmiracles.pdf2024-02-20T06:18:35Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
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[[Catégorie:Pédagogie]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Discussion-atelier-des-miracles-29-fevrier-2024-librairie-la-gryffe-lyon-7.jpg&diff=23181Fichier:Discussion-atelier-des-miracles-29-fevrier-2024-librairie-la-gryffe-lyon-7.jpg2024-02-20T06:13:19Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
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[[Catégorie:Pédagogie]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=L%27Atelier_des_miracles&diff=23174L'Atelier des miracles2024-02-14T20:19:18Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Couverture atelier des miracles 2 JPEG.jpg|vignette|gauche|Couverture]]<br />
[[Fichier:4emme de converture.jpg|vignette|gauche|quatrième de couverture]]<br />
[[Fichier:Affiche rencontre atelier miracles.jpg|thumb|annonce pour une présentation de l'atelier des miracles]]<br />
[[Fichier:Montpelier.png|thumb|Exemple de présentoir vélorutionnaire]]<br />
<br />
[[Fichier:Récup'R.jpg|thumb|photo de l'atelier]]<br />
'''''L'atelier des Miracles''''' est un livre de Benjamin Pichot-Garcia publié en 2023 aux [https://lestroiscanards.ouvaton.org/ éditions des Trois Canards]. Le titre complet est ''L'atelier des Miracles, les activités cachées d'un atelier d'auto-réparation de vélo et de couture''. Il est la version améliorée, retravaillée et complétée d'un mémoire réalisé à l'université de Rennes dans le cadre du Diplôme Universitaire Education Populaire et Transformation Sociale, à l'époque le mémoire s'appelait ''Récup'R "un atelier participatif et solidaire de vélo et de couture, ce n'est pas que du vélo et de la couture!"(Mémoire sur les activités cachées de l'atelier et beaucoup d'autres choses'' (Ce qui est un peu long!)<br />
Ce livre a été réalisé en collaboration avec Guillaume Sabin ethnologue, enseignant-chercheur, auteur de '''''[https://pur-editions.fr/product/ean/9782753535022/l-archipel-des-egaux L'Archipel des Égaux, luttes en terre argentine]''''' et de '''''[https://www.editionslibertalia.com/catalogue/nautre-ecole/12-la-joie-du-dehors La Joie du dehors, essai de pédagogie sociale]'''''. Il en signe d'ailleurs la préface.<br />
<br />
=== Le résumé du livre ===<br />
[[Fichier:Le dragon sur le toit.jpg|thumb|dragon sur le toit]]<br />
<br />
''L’Atelier des Miracles'' raconte le quotidien d’un atelier d’auto-réparation de vélo et de couture. Ces deux activités, d’apparence inoffensives, -si elles sont pratiquées en collectif-, ne tardent pas à devenir subversives car elles conduisent à penser et à agir sur des problématiques plus vastes : réduction/production des déchets, autonomisation/fragilité des personnes, solidarité/exclusion, délitement des services publics/privatisations, responsabilité/place de chacun-e dans la tâche de nettoyer le Monde…<br />
<br />
Dans une période d’[https://www.editionsladecouverte.fr/acceleration-9782707154828 accélération], où les catastrophes politiques et environnementales se succèdent, il est question d’un lieu où souvent à l’abri des regards, des personnes s’activent, avec calme et détermination, pour réaliser ce qu’elles pensent juste. Loin des discours et des déclarations grandiloquentes, elles améliorent leurs quotidiens : raccommodent leurs affaires, réparent leurs vélos, se soutiennent, partagent leurs bonnes idées, s’investissent pour leur quartier... Et, par ce geste-réflexe de la réparation et de l’auto-réparation réussissent à se réapproprier leurs vies et à rendre leur univers un peu plus vivable.<br />
<br />
Cette belle histoire pourrait être un conte destiné aux enfants ou une douce illusion que les adultes se raconteraient pour se détourner des temps de haine et de repli sur soi que chaque jour les médias prédisent. Elle pourrait également être une métaphore de la résistance contre les attaques néolibérales qui dévorent notre société. Mais n’en déplaise aux pessimistes et aux grincheux, cet atelier existe bien ! Et, il n’est pas seul ! D’autres existent, essaiment, sans bruit, se fédèrent, s’entraident, frayant leur chemin en dehors des canons institutionnels, écologiques, militants, entrepreneuriaux, mêlant écologie et solidarité, en y ajoutant beauté et dignité !<br />
<br />
=== A qui s'adresse le livre? ===<br />
<br />
Cet ouvrage s’adresse à toutes les personnes impliquées, de près ou de loin, dans les initiatives environnementalistes de terrain : ateliers de réparation, repair café, jardins partagés, cafés associatifs, etc. Il s’adresse aussi aux travailleur-ses associatifs (Stagiaires, volontaires en services civiques, bénévoles, administrateur-ices et salarié-es), notamment celles et ceux du milieu de l’animation socio-culturelle. Sa lecture pourrait aussi intéresser toutes les personnes soucieuses de mêler analyses écologistes, syndicalistes et féministes. Il est destiné à un large public. Nous l’avons voulu vif, parfois drôle, mélangeant entretiens, analyses, questionnements, récits individuels et moments collectifs. A l’heure où les ateliers de vélos et de couture sont en vogue, il semblait pertinent de témoigner de l’envers du décor, de parler des conditions de production.<br />
<br />
=== Influences ===<br />
<br />
Cet ouvrage est inspiré des travaux de la sociologue '''Maud Simonet''' sur le travail gratuit et son invisibilisation '''''[https://www.editionstextuel.com/livre/travail-gratuit-la-nouvelle-exploitation Travail gratuit: la nouvelle exploitation]''''' et sur l’analyse de l’historienne '''Fanny Gallot''' qui dans son livre '''''[https://www.editionsladecouverte.fr/en_decoudre-9782707182418#:~:text=Elles%20ont%20mis%20en%20cause,de%20tout%20d%C3%A9l%C3%A9guer%20aux%20hommes. En découdre : comment les ouvrières ont révolutionné le monde du travail et la société]''''' analyse les luttes des femmes ouvrières entre le féminisme et la lutte de classe. Nous nous sommes également inspirés de '''''[https://www.editionsladecouverte.fr/eloge_du_carburateur-9782707160065 L’éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail]''''' de '''Matthew B. Crawford'''. Dans cet ouvrage l’auteur juxtapose le démantèlement et la dévalorisation des filières manuelles en Occident et la survalorisation de la production intellectuelle du think thank où il est salarié. <br />
Mais surtout '''''L'atelier des Miracles''''' s’inscrit dans une pensée et une culture libertaire et populaire, et puise dans des sources variées, du roman au podcast, des fanzines aux récits sur la guerre civile espagnole.<br />
<br />
=== Les auteur-ices ===<br />
[[Fichier:Trop de cowboys.jpg|thumb|Chica con bici]]<br />
<br />
Depuis 12 ans Benjamin Pichot-Garcia, l'auteur de ce livre, est mécanicien-animateur dans un atelier associatif d’auto-réparation de vélo et de couture. Titulaire d'un Master II en sciences humaines et d'un niveau IV en mécanique cycles et motocycles, il a été bénévole dans une librairie libertaire, puis a fabriqué et diffusé des [[Chasse-Goupille_(fanzine)|fanzines]]. Il y a quelques années il a obtenu un diplôme universitaire d’Education Populaire et de Transformation Sociale et écrit ce livre pour témoigner de son expérience associative et vélocipédique.<br />
<br />
Ce livre a bénéficié du soutien de plus de 50 personnes. 36 personnes ont été interrogées (des adhérent-es, des administrateur-ices, des mécanicien-nes, des travailleur-ses du secteur associatif, des syndicalistes, deux psychomotriciennes, une ergonome, une écrivaine, une bibliothécaire, des écologistes, des féministes, des étudiant-es, des punks, des voisin-es, etc.) De nombreuses personnes ont suivies l'écriture au jour le jour, faisant des commentaires, proposant des pistes, conseillant des livres (Merci à Margot, Camille, Améli-e, Mahalia, Carole, etc.), d'autres ont participé aux relectures, corrections, annotations, commentaires, améliorations, mises en page (Stéphanie, Guillaume, Jean, etc.)... Merci tout particulièrement à Ludovic qui s'est porté volontaire pour l'énorme travail de mise en page de ce document. Ce livre a aussi compté une bonne douzaine de chouettes illustrations (Merci aux artistes!). Merci également à Guillaume Sabin qui a relu, commenté, encouragé, conseillé tout le long (et qui a même signé la préface!). Merci aussi, enfin, aux éditions des Trois Canards, qui ont soutenu ce projet, l'ont accepté tel qu'il est et s'investissent pour qu'il existe et réussisse (en dessinant notamment une belle couverture!). <br />
<br />
Pour finir, merci au réseau l'Heureux Cyclage, le réseau des ateliers participatifs et solidaires de vélos... Et, surtout, à l'association Récup'R - l'atelier participatif de vélo et de couture - et à ses adhérent-es et à mes collègues qui ont contribué (et supportés) l'écriture de ce livre.<br />
<br />
=== Diffusion du livre ===<br />
[[Fichier:Couture.jpg|thumb|atelier de couture]]<br />
<br />
'''Où trouver L'Atelier des miracles?'''<br />
<br />
Le livre est vendu 12 euros dans les bonnes librairie et les bons ateliers d'auto-réparation. Sinon, pour l'acquérir, il suffit d'écrire un mail à Chasse-Goupille[at]hotmail.com.<br />
Ensuite, nous verrons comment l'acheminer (Un envoi par la Poste coûte environ 6 euros car le livre pèse 500 grammes).<br />
<br />
A Bordeaux: '''La Machine à Lire'', '''La Mauvaise Réputation''', '''Disparate''', à Récup'R, '''Aux Mots du Zébre''' (Eysine), '''Les 400 coups''' (Bordeaux). '''L'Eco-Libri''', '''Le Temps Presse''' & '''La station Vélo''' (Créon), '''Lisons sous la pluie''' (Latresne). A Grenoble, au siège de '''LHC''' (à la MNEI). A la '''CLAVETTE lyonnaise'''. A Paris à la librairie Quilombo. A Bergerac, aux '''éditions des Trois Canards'''. A Brest, à '''La Petite Librairie'''. A La Rochefoucauld, '''au Trait d'Union''' (16). '''La Palpitante''' à Mens (38). '''La Rencontre''', '''L'Etabli des mots''', '''L'astrolabe''' et '''Planete IO''' à Rennes (35). '''L'autodidacte''' à Besançon. '''Jeux 2 mots''' à Cadillac (33). A A la '''bibliothèque de Montemboeuf''' (16). '''Au vieux biclou''' à Montpelier. La '''Libr'Eyre''' à Belin-Beliet (33). Sur les tables de presse de soutien au '''journal S!lence''' de Gironde. Etc.<br />
<br />
'''Diffusion militante'''<br />
<br />
Bien que le livre ait un éditeur, Les Trois Canards, il n'a pas de [[diffuseur]]. C'est à dire que la distribution, la diffusion et la vente sont éffectuées de manière artisanale (Aller rencontrer des libraires militants, vente sur des stands, par le bouche à oreille, envoi via la Poste ou la Punk-Poste, etc.)<br />
Donc, un grand merci aux ateliers d'auto-réparation (et aux autres!), aux [[Clavette|C.L.A.V.E.T.T.E.S.]], aux ami-es, aux libraires, aux punks, aux fanzineux-ses et à toutes les personnes de bonnes volontés, qui s'impliquent dans la promotion et la vente du livre. Sans ce travail ''L'Atelier des miracles'' resterait enfermé, triste et inoffensif dans ses cartons. Merci pour lui! Liberté de circulation pour tout le monde ! Pour les personnes, les idées et pour les livres.<br />
<br />
=== Revue de presse ===<br />
<br />
<gallery><br />
Charente Libre Article 25 mai 2023.pdf|Article Charente libre 25 mai 2023<br />
</gallery><br />
<br />
<gallery><br />
Article Sud Ouest. L'atelier des miracles.jpg|Article Sud Ouest. L'atelier des miracles. 1/7/2023<br />
</gallery><br />
<br />
Sur le blog Biblio-Cycles http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2023/03/26/pichot-garcia-benjamin-6435172.html et http://biblio-cyclesdephilippeorgebin.hautetfort.com/archive/2023/10/13/chasse-goupille-collectif-6465799.html<br />
<br />
Sur le blog de la Tête dans le guidon (à Angers) https://latetedansleguidon.blogspot.com/2023/11/activites-chorales.html<br />
<br />
<gallery><br />
L'atelier des miracles dans L'Age de Faire. oct. 2023.jpg|Article du journal L'Age de faire, numéro d'octobre 2023<br />
</gallery><br />
<br />
<gallery><br />
Article Silence.pdf|L'atelier des miracles dans Silence octobre 2023<br />
</gallery><br />
<br />
=== Pour se faire une idée plus précise ===<br />
<br />
La table des matières:<br />
https://wiklou.org/wiki/Fichier:Table_des_mati%C3%A8res.pdf<br />
<br />
La préface de ''L'atelier des miracles, les activités cachées d'un atelier de vélo et de couture'' par Guillaume Sabin:<br />
https://wiklou.org/wiki/Fichier:Pr%C3%A9face_Atelier_des_miracles,_les_activit%C3%A9s_cach%C3%A9es_d%27un_atelier_de_v%C3%A9lo_et_de_couture.pdf<br />
<br />
=== Présentations publiques ===<br />
<br />
-20 au 23 avril stand aux '''Rencontres nationales de l'Heureux Cyclage''' à Grenoble.<br />
<br />
-3 juin présentation à la '''bibliothèque municipale''' de Montemboeuf (16).<br />
<br />
-4 juin stand à '''Raz le zine''' à l'Atelier 10 de Floirac.<br />
<br />
-18 juin arpentage/présentation à '''l'Université Populaire de Bordeaux'''.<br />
<br />
-7-8 Juillet au '''Zinefest''' (Bordeaux)<br />
<br />
-8,9,10 septembre à '''l'Imprévu, Festival de la Différence,''' à Montemboeuf (Charente)<br />
<br />
-16 septembre présentation à la librairie '''Eco-Libri''' à Créon (33) dans le cadre du '''festival Bougeotte'''.<br />
<br />
-30 septembre présentation à l'atelier '''des jantes et des gens''' (Périgueux - 24), dans le cadre des rencontres régionales de LHC. <br />
<br />
-12, 13, 14 octobre à '''La Rencontre''', à '''L'Etabli des mots''' et à '''Planet IO/Le village des possibles''', à Rennes.<br />
<br />
-14 novembre à L'autodidacte à '''Besançon''' (Dans le cadre des rencontres entre salarié-es de L'Heureux Cyclage). <br />
<br />
-9 décembre au marché de Noël de l'AMAP (Association pour le Maintien de l'Agriculture paysanne) à '''Créon'''<br />
<br />
-16 décembre à '''Saint-Caprais-de-Bordeaux''' au marché de Noël de Grains de blé's (Biologique Local Équitable et Solidaire) .<br />
<br />
-7 février à L'atelier de vélo et de couture Récup'R de '''Bordeaux'''.<br />
<br />
-24 et 25 février au festival du Cyclo Camping International au '''Mans'''.<br />
<br />
-29 février à la librairie libertaire La Gryffe (à Lyon)<br />
<br />
-1, 2, 3 mars, au Festival Primevere de '''Lyon''' (avec la Coordination Locale des Ateliers Vélos de Lyon).<br />
<br />
-le 23 mars au lieu autogéré La Chapelle à '''Toulouse''' invité par le collectif Seitan's Bike Hell Punks. '''Reporté!!!'''<br />
<br />
-20, 23 avril, aux '''Rencontres Nationales de L'Heureux Cyclage à Nantes'''<br />
<br />
A venir : '''Caussade''', '''Brest''', '''Rennes''', '''Pau''', '''Figeac''', etc.<br />
<br />
=== Bonus ===<br />
<br />
'''Édition des Trois Canards''' : <br />
#REDIRECTION [[https://lestroiscanards.ouvaton.org/]]<br />
<br />
'''Guillaume Sabin''' (ethnologue) :<br />
#REDIRECTION [[https://www.editionslibertalia.com/catalogue/nautre-ecole/12-la-joie-du-dehors]]<br />
<br />
'''Chasse-Goupille''' (Fanzine) :<br />
#REDIRECTION [[https://wiklou.org/wiki/Chasse-Goupille_(fanzine)]]<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Fanzine]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Couture]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23138Récit2024-01-29T11:17:34Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, à un-e ami-e) Le lieu a aussi son importance (un-e mécanicien-ne sera sans doute plus à l'aise pour parler au milieu de ses outils que dans un lieu qu'il ne connait pas). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut créer de la confiance et être patient-e.<br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, '''''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps''''', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|'''''"Sous-titre: Enquête sur un parc qui déforme l'Histoire"'''''. Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois''', le récit d'un menuisier (il parle de son corps).<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
<br />
==== '''Vidéos''' ====<br />
<br />
Voir les émissions sur le média Blast de Rhinocéros (avec Usul et Lumi): ils décortiquent les récits médiatiques.<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23137Récit2024-01-29T06:00:53Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, à un-e ami-e) Le lieu a aussi son importance (un-e mécanicien-ne sera sans doute plus à l'aise pour parler au milieu de ses outils que dans un lieu qu'il ne connait pas). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut créer de la confiance et être patient-e.<br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, '''''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps''''', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
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Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
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Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
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==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
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La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
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==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
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1 - Se dire que tout a été dit.<br />
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2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|'''''"Sous-titre: Enquête sur un parc qui déforme l'Histoire"'''''. Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
<br />
==== '''Vidéos''' ====<br />
<br />
Voir les émissions sur le média Blast de Rhinocéros (avec Usul et Lumi): ils décortiquent les récits médiatiques.<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23136Récit2024-01-29T06:00:16Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, à un-e ami-e) Le lieu a aussi son importance (un-e mécanicien-ne sera sans doute plus à l'aise pour parler au milieu de ses outils que dans un lieu qu'il ne connait pas). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut créer de la confiance et être patient-e.<br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, '''''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps''''', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
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4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|''"Sous-titre: Enquête sur un parc qui déforme l'Histoire"''. Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
<br />
==== '''Vidéos''' ====<br />
<br />
Voir les émissions sur le média Blast de Rhinocéros (avec Usul et Lumi): ils décortiquent les récits médiatiques.<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23135Récit2024-01-29T05:59:27Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, à un-e ami-e) Le lieu a aussi son importance (un-e mécanicien-ne sera sans doute plus à l'aise pour parler au milieu de ses outils que dans un lieu qu'il ne connait pas). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut créer de la confiance et être patient-e.<br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, '''''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps''''', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
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6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
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==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|"Sous-titre: Enquête sur un parc qui déforme l'Histoire". Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
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La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
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Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
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https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
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DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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www.youtube.com<br />
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==== Ouverture ====<br />
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Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
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==== '''Podcasts''' ====<br />
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Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
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Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
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'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
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'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
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==== '''Vidéos''' ====<br />
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Voir les émissions sur le média Blast de Rhinocéros (avec Usul et Lumi): ils décortiquent les récits médiatiques.<br />
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==== '''Livres''' ====<br />
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Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
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Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
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Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23134Récit2024-01-29T05:56:24Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, à un-e ami-e) Le lieu a aussi son importance (un-e mécanicien-ne sera sans doute plus à l'aise pour parler au milieu de ses outils que dans un lieu qu'il ne connait pas). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut créer de la confiance et être patient-e.<br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, '''''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps''''', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
<br />
==== '''Vidéos''' ====<br />
<br />
Voir les émissions sur le média Blast de Rhinocéros (avec Usul et Lumi): ils décortiquent les récits médiatiques.<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23133Récit2024-01-28T20:48:33Z<p>Benjamin : </p>
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<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
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Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
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=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
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Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
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Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
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==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, à un-e ami-e) Le lieu a aussi son importance (un-e mécanicien-ne sera sans doute à l'aise pour parler au milieu de ses outils que dans un bureau de ministre). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut créer de la confiance et être patient.<br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, '''''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps''''', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
<br />
==== '''Vidéos''' ====<br />
<br />
Voir les émissions sur le média Blast de Rhinocéros (avec Usul et Lumi): ils décortiquent les récits médiatiques.<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23132Récit2024-01-28T13:43:46Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, à un-e ami-e) Le lieu a aussi son importance (un-e mécanicien-ne sera sans doute à l'aise pour parler au milieu de ses outils que dans un bureau de ministre). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut créer de la confiance et être patient.<br />
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Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
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La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
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==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
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Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
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Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
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Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
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Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
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[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
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Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
<br />
==== '''Vidéos''' ====<br />
<br />
Voir les émissions sur le média Blast de Rhinocéros (avec Usul et Lumi): ils décortiquent les récits médiatiques.<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23131Récit2024-01-28T13:37:36Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, à un-e ami-e) Le lieu a aussi son importance (un-e mécanicien-ne sera sans doute à l'aise pour parler au milieu de ses outils que dans un bureau de ministre). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut créer de la confiance et être patient.<br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
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Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
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Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
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Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
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==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
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''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
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Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23130Récit2024-01-28T13:02:01Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''...<br />
<br />
La personne qui interroge aura une influence sur ce qui sera dit (On ne dit pas la même chose, de la même manière, à un-e journaliste, à un-e membre de sa famille, etc.) Le lieu a aussi son importance (un-e artisan-e sera à l'aise au milieu de ses outils et moins dans un bureau). Bref, pour avoir le meilleur témoignage, il faut de la confiance et de la patience.<br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
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Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
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==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
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La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
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L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
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==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
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1 - Se dire que tout a été dit.<br />
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2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
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3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
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4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23129Récit2024-01-28T12:47:36Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Un fanzine avant les fanzines!]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
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Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
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Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
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4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
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5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
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Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
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6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
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==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
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La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
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https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
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DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23128Récit2024-01-28T12:45:44Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
[[Fichier:Le puy-du-faux.jpg|vignette|Histoire, mémoire et divertissement ne sont pas les mêmes choses!]]<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
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==== '''Podcasts''' ====<br />
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Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
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<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
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'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
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==== Articles ====<br />
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'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Le_puy-du-faux.jpg&diff=23127Fichier:Le puy-du-faux.jpg2024-01-28T12:40:46Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
<hr />
<div>=={{int:filedesc}}==<br />
{{Information<br />
|description={{fr|1=couverture d'un livre d'histoire}}<br />
|date=2024-01-28<br />
|source=internet<br />
|author=les auteurs du livre<br />
|permission=<br />
|other versions=<br />
}}<br />
<br />
=={{int:license-header}}==<br />
{{cc-by-sa-4.0}}<br />
<br />
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<br />
[[Catégorie:Histoire]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23126Récit2024-01-28T12:32:58Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
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=== '''Genèse''' ===<br />
[[Fichier:Le silence des autres.jpg|vignette|droite|L'Histoire est souvent celle des vainqueurs]]<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
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Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
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==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
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Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
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Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
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[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
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Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
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==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
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<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Le_silence_des_autres.jpg&diff=23125Fichier:Le silence des autres.jpg2024-01-28T12:31:04Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
<hr />
<div>=={{int:filedesc}}==<br />
{{Information<br />
|description={{fr|1=couverture de film}}<br />
|date=2024-01-28<br />
|source=internet<br />
|author=almudena carracedo<br />
|permission=<br />
|other versions=<br />
}}<br />
<br />
=={{int:license-header}}==<br />
{{cc-by-sa-4.0}}<br />
<br />
Ce fichier a été téléchargé avec l'extension UploadWizard<br />
<br />
[[Catégorie:Histoire]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23124Récit2024-01-28T12:28:22Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
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Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
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==== Les biais des témoignages ====<br />
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Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
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Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
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Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
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Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
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La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
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==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
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Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
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Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
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Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite (conservatrice/réactionnaire) elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23123Récit2024-01-28T12:27:07Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
[[Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg|vignette|droite|Une féministe révolutionnaire à l'atelier]]<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
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Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
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[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
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Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
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Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
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Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
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Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
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==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
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''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
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Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Une_f%C3%A9ministe_r%C3%A9volutionnaire_%C3%A0_l%27atelier.jpg&diff=23122Fichier:Une féministe révolutionnaire à l'atelier.jpg2024-01-28T12:25:52Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
<hr />
<div>=={{int:filedesc}}==<br />
{{Information<br />
|description={{fr|1=couverture de bédé}}<br />
|date=2022-07-21<br />
|source=internet<br />
|author=elena vieillard<br />
|permission=<br />
|other versions=<br />
}}<br />
<br />
=={{int:license-header}}==<br />
{{cc-by-sa-4.0}}<br />
<br />
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<br />
[[Catégorie:Fanzine]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23121Récit2024-01-28T10:21:15Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
[[Fichier:Zomia.jpg|vignette|droite|insaisissables résistant-es]]<br />
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Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
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L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
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Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
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==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
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La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
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L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
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==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
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1 - Se dire que tout a été dit.<br />
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2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
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3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Zomia.jpg&diff=23120Fichier:Zomia.jpg2024-01-28T10:18:58Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
<hr />
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<br />
[[Catégorie:Fanzine]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23119Récit2024-01-28T10:12:50Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
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4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
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Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
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Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
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4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
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5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
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Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
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6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
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==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
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La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
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Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
'''''Féminisme, L'avant-garde espagnole: Réparer le passé''''', La Série Documentaire, France Culture, 2024 <br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23118Récit2024-01-28T10:08:01Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
[[Fichier:Dolorescouv.jpg|vignette|Rembobinage]]<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
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https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
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DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
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==== Ouverture ====<br />
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Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
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==== '''Podcasts''' ====<br />
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Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
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Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
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'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
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==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
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Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
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==== Articles ====<br />
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'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
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[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
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[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23117Récit2024-01-28T10:05:47Z<p>Benjamin : </p>
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'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
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Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
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=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
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==== Les biais des témoignages ====<br />
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Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
[[Fichier:En découdre.png|vignette|Un livre exceptionnel!]]<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:En_d%C3%A9coudre.png&diff=23116Fichier:En découdre.png2024-01-28T10:02:50Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
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[[Catégorie:Fanzine]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Dolorescouv.jpg&diff=23115Fichier:Dolorescouv.jpg2024-01-28T10:01:40Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
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<br />
[[Catégorie:Fanzine]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23114Récit2024-01-28T09:53:15Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
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==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
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Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
[[Fichier:Julie doucet.png|vignette|droite|récit autobiographique]]<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=Fichier:Julie_doucet.png&diff=23113Fichier:Julie doucet.png2024-01-28T09:49:18Z<p>Benjamin : User created page with UploadWizard</p>
<hr />
<div>=={{int:filedesc}}==<br />
{{Information<br />
|description={{fr|1=couverture de bédé}}<br />
|date=2024-01-28<br />
|source=internet<br />
|author=Julie Doucet<br />
|permission=<br />
|other versions=<br />
}}<br />
<br />
=={{int:license-header}}==<br />
{{subst:uwl}}<br />
<br />
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<br />
[[Catégorie:Fanzine]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23111Récit2024-01-28T09:28:04Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>[[Fichier:Revista Blanca 1934.jpg|cadre|droite|Lire, réimprimer, diffuser]]<br />
'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
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Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
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Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
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Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
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Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
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==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
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''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
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Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23110Récit2024-01-28T09:26:21Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<gallery><br />
Revista_Blanca_1934.jpg|Les fanzines ne datent pas de hier!<br />
</gallery><br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
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Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
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L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
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Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
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==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
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La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
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L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
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==== Quelques freins aux récits ====<br />
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1 - Se dire que tout a été dit.<br />
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2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
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4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
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Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
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Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23109Récit2024-01-28T09:14:09Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', ''"c'est bout de ficelles et compagnie"'', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
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4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
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5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
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Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
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6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
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==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
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La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
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Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
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https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
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DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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==== Ouverture ====<br />
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Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
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==== '''Podcasts''' ====<br />
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Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
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Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
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'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
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==== '''Livres''' ====<br />
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Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
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Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
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Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
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Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
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Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
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==== Articles ====<br />
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'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
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[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23108Récit2024-01-28T09:12:47Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181218/la-violence-politique-et-son-versant-feminin<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos, des libertaires hollandais, promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche/les programmes scolaires/les médias ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23107Récit2024-01-28T09:00:54Z<p>Benjamin : </p>
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<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
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Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
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=== '''Genèse''' ===<br />
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Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
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Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
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Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
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==== Les biais des témoignages ====<br />
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Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
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Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
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Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"'', ''Précisément tu étais où? Tu faisais quoi?''... <br />
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Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
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La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
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==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
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Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
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Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
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Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
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Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
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Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos (des libertaires hollandais) promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23106Récit2024-01-28T08:41:45Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
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Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
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Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
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Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
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Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos (des libertaires hollandais) promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
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Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
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==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
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''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
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Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
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==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
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La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Léraud Inés, ''''Le Grand Remembrement'''', France Culture (LSD), 2023<br />
<br />
Bienaimé Charlotte, '''Paysannes en lutte'''''Texte en italique'', Un podcast à soi n°47 (premier volet travailleuses invisibles), Arte Radio, 2023<br />
<br />
'''Gueule de bois'''''Texte en italique'', le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23105Récit2024-01-27T18:30:18Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existaient, sous l'ancien régime des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !) (Cf. Karl Polanyi, ''La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps'', Gallimard, 1983)<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos (des libertaires hollandais) promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
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==== Quelques freins aux récits ====<br />
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1 - Se dire que tout a été dit.<br />
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2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
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3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
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4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
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Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
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Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
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4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
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5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
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Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
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6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
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==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
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La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23104Récit2024-01-27T18:24:54Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes ne datent pas d'hier ! Et, ne peut-on dire qu'ils sont aussi quelque part les héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe (Et avant ça, existent des guildes, des corporations, des équipements communautaires, des communs (près, bois, moulins, pressoirs, fours, greniers, séchoirs, halles, bains...) !<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos (des libertaires hollandais) promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
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https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
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DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
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==== Ouverture ====<br />
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Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
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==== '''Podcasts''' ====<br />
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Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
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==== '''Livres''' ====<br />
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Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
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Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
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Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
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==== Articles ====<br />
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'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
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[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23103Récit2024-01-27T18:17:17Z<p>Benjamin : </p>
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<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
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Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
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=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
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==== Les biais des témoignages ====<br />
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Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
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Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
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Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
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La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes, ne peut-on dire qu'ils sont des héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe!<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos (des libertaires hollandais) promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.<br />
<br />
[[Catégorie:Education Populaire]]<br />
[[Catégorie:Communication]]<br />
[[Catégorie:Pédagogie]]<br />
[[Catégorie:Histoire]]<br />
[[Catégorie:Anthropologie]]<br />
[[Catégorie:Livre]]<br />
[[Catégorie:Sociologie]]<br />
[[Catégorie:Travail]]<br />
[[Catégorie:Récits de vie]]<br />
[[Catégorie:Sciences Humaines]]<br />
[[Catégorie:Propagande]]</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23102Récit2024-01-27T18:15:38Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
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Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
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Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
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Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
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Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
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Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
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Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes, ne peut-on dire qu'ils sont des héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe!<br />
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Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos (des libertaires hollandais) promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
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Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
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==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
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''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
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Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
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L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
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Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
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==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23101Récit2024-01-27T18:13:47Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes, ne peut-on dire qu'ils sont des héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe!<br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos (des libertaires holandais) promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
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==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
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La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
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L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
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==== Quelques freins aux récits ====<br />
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1 - Se dire que tout a été dit.<br />
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2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
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3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
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4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
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Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
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Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
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4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
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5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
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Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
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6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
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==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
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La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
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Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
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https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
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DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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==== Ouverture ====<br />
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Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23100Récit2024-01-27T18:09:01Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes, ne peut-on dire qu'ils sont des héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe! <br />
<br />
Et la filiation ne s'arrête pas là, dans les années 1960 les Provos (des libertaires holandais) promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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www.youtube.com<br />
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==== Ouverture ====<br />
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Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
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==== '''Podcasts''' ====<br />
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Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
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==== '''Livres''' ====<br />
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Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
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Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
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Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
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Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
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Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
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Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
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==== Articles ====<br />
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'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23099Récit2024-01-27T18:06:55Z<p>Benjamin : </p>
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<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
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Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
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=== '''Genèse''' ===<br />
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Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
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Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
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==== Les biais des témoignages ====<br />
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Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
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Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
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Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
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Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
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La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
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==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
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Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
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Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
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Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes, ne peut-on dire qu'ils sont des héritiers d'autres lieux où l'on partageait des connaissances et des outils comme les '''"les mutuelles"''', '''"les athénées"''', '''"les maisons du peuple"''', '''"les bourses du travail"''', '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"'''? Toutes ces structures, souvent associatives et ouvrières, existent, au moins, depuis le XIXe! Dans les années 1960 les Provos promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23098Récit2024-01-27T18:03:52Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
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Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
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Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes, par exemple "les mutuelles", "les athénées", "les maisons du peuple", "les bourses du travail", '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"''', etc. existent, au moins, dès le XIXe! Dans les années 1960 les Provos promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
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Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
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==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
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''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
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==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
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L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
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Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
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==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
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La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
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==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
<br />
3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
<br />
4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
<br />
Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
<br />
Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
<br />
4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
<br />
5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
<br />
Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
<br />
6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
<br />
==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
<br />
La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
<br />
Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
<br />
https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
<br />
<br />
DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
Soutenez Blast, nouveau média indépendant : https://www.blast-info.fr/soutenir "On le présente à son grand plaisir comme un homme de l'ombre dont les conseil...<br />
www.youtube.com<br />
<br />
==== Ouverture ====<br />
<br />
Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
<br />
==== '''Podcasts''' ====<br />
<br />
Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
<br />
==== '''Livres''' ====<br />
<br />
Aurel, ''''La menuiserie'''', Futuropolis, 2016<br />
<br />
Tanquerelle, Benoit Yann, ''''La Communauté [Intégrale]'''', Futuropolis, 2010<br />
<br />
Eribon Didier, ''''Retour à Reims'''', Fayard, 2009<br />
<br />
Ernaux Annie, ''''''La place'''''', Gallimard, 2009<br />
<br />
Altarriba Antonio, ''''''L'aile brisée'''''', Denoël, 2016<br />
<br />
Goldman Emma, ''''''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution'''''', L'Echapée, 2018<br />
<br />
Tous les livres des éditions Repas, notamment ''''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'''' et '''''La cantine des pyrénées en lutte'''''.<br />
<br />
==== Articles ====<br />
<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.</div>Benjaminhttps://wiklou.org/w/index.php?title=R%C3%A9cit&diff=23097Récit2024-01-27T18:01:32Z<p>Benjamin : </p>
<hr />
<div>'''Bilan de l'atelier "raconter l'atelier" réalisé lors des rencontres entre salarié-es à Besançon.'''<br />
<br />
Le but de l'atelier était de partager quelques réflexions sur le sujet du récit et du story telling.<br />
<br />
=== '''Genèse''' ===<br />
<br />
Lorsque j'étais étudiant en Sciences Humaines j'ai étudié les récits de vie en m'appuyant sur le récit de vie de mes grands-parents républicains espagnols, ces derniers n'avaient jamais parlé de leurs années espagnoles (avant-guerre, guerre civile, exil), en grande partie parce qu'on ne leur avait jamais demandé de témoigner, aussi parce que le moment n'était pas venu, enfin parce qu'ils s'imaginaient que leur histoire n'intéresserait personne.<br />
<br />
Pour réaliser mon mémoire de recherche d'Histoire, je me suis appuyé sur toute une littérature : '''''Mauss''''' et '''''Méta Mauss''''' d'Art Spiegelman, '''''L'écriture ou la vie''''' de Jorge Semprun, '''''Témoins''''' de Jean Norton Cru, '''''Si c'est un homme''''' de Primo Levi...<br />
<br />
Témoigner c'est raconter, c'est choisir dans sa mémoire des éléments qu'on considère dignes d'intérêts, intéressants de transmettre. Le témoignage est une sélection de souvenirs (parfois déformés), une réécriture, une réinterprétation. Il est également une nouvelle mise en forme (Les souvenirs n'arrivent pas dans l'ordre !). Pourquoi choisi-t-on de raconter ? Pour qui et pourquoi écrivons-nous un récit ? Avec quelle intention ? Quelles sont les choses qui se disent et se taisent ? <br />
<br />
==== Les biais des témoignages ====<br />
<br />
Quels sont les biais des témoignages ? Comment les éviter ?<br />
Un des biais courants est de produire le récit que les personnes veulent entendre (ça arrive quand la réponse est dans la question!) ... Un autre biais est d'écrire le passé avec le point de vue d'aujourd'hui (biais téléologique). Pour éviter ces biais on peut s'interroger : '''''Comment aller au delà de l’anecdote?''''' L'anecdote a un début et une chute, elle est racontée par quelqu'un-e qui connait la fin, qui fait converger les faits pour arriver à cette fin. De plus l'anecdote est souvent une histoire courte, simple et décontextualisée. Or dans la vie, il n'y a pas de début et de fin, beaucoup de choses se passent en même temps, les choses sont souvent plus complexes...<br />
<br />
Il convient de se demander: ''"Mais à l'époque on pensait quoi ?"''(Travail de recoupement pour enlever les anachronismes qui peuvent se déposer sur les souvenirs et les discréditer). <br />
<br />
Il faut aussi éviter les "on" trop flous et généraux, pour se concentrer sur la personne qu'on interroge, lui demander d'utiliser le "Je".), ''"Quelles était l'air du temps (le climat politique et culturel à l'époque) ?"'', ''"Quelles étaient les éléments de compréhension dont on disposait pour comprendre les événements ?"''... <br />
<br />
Analyser des récits de plusieurs époques permet de comprendre les ruptures et les continuités dans l'histoire, d'interroger les moments charnières, de percevoir des transformations dans les manières de penser et de faire...<br />
<br />
La mémoire est comme une pelote de laine. Au début les personnes ont souvent peu de choses à dire, elles ne trouvent pas le bout de l'histoire. Elles se contentent de généralités... Puis au fil des entretiens, elles trouvent les bouts, l'histoire se déroule, chaque mot, chaque idée, chaque personnage, en amène d'autres avec lui. Pour cette raison c'est pas mal d'interroger les personnes plusieurs fois sur les mêmes sujets... Pour préciser, complexifier, développer... D'un entretien à l'autre les souvenirs reviennent...<br />
<br />
==== Une histoire, des histoires: du singulier au pluriel ====<br />
<br />
Que vivent/pensent les gens à l'atelier ? Comment chaque catégorie sociale se représente sa participation ? Est-ce que tous ces récits correspondent à ce qui racontent les rapports d'activités, les écrits militants (qui peuvent être prescriptifs, performatifs, hagiographiques...), les journaux spécialisés, les histoires qu'on se raconte en off entre nous??? <br />
Comment les choses réalisées dans les atelier influent à leur tour sur les visions du monde des personnes, leur manière de vivre, comment elles les transforment ? (Parfois le contact avec la quantité de vélos, avec des personnes particulières, avec la douleur d'un doigt écrasé, avec le froid, fait prendre conscience de choses qu'on ne pouvait pas pleinement percevoir par les mots en réunion). <br />
<br />
Un des postulats est que chacun-e a une vue partielle et partiale de l'atelier (point de vue situé)... Personne ne voit jamais tout en même temps... Pour cette raison il est judicieux de recueillir une grande diversité de témoignages pour avoir un maximum de versions et de visions différentes... et ensuite il reste à chercher pourquoi il existe de tels écarts dans les représentations. Par exemple: comprendre pourquoi nous ne nous donnons pas la même importance aux mêmes événements? En même temps qu'on interroge, il est aussi assez pertinent d'observer (avec un petit carnet), car il existe également, souvent, des décalages entre ce qui est dit et ce qui est fait. Et, ces décalages racontent aussi des choses.<br />
<br />
Souvent en raison de l'urgence qui règne dans les ateliers, du grand nombre de choses à faire, de l'envie de faire du concret (idée qu'à l'atelier "faire" prime et que "causer" est parfois considéré comme une perte de temps et, également, comme éventuellement une nouvelle occasion de conflits), certaines personnes ont du mal à se représenter la diversité des idées qui co-existent dans les structures... Parce que peu de temps est donner à parler, à écouter, à raconter, à rassembler des récits (Combien de vrais moments d'échanges ?) ...<br />
<br />
Or sans récit, il peut y avoir un sentiment de perte de sens, d'éternel recommencement, de solitude ('''d'accélération''')... Produire/écouter un récit permet d'observer que l'autre a entendu, compris, pris en compte... Le récit permet également d'ancrer nos actions dans une histoire, une histoire des alternatives... Il permet de faire collectif, car beaucoup des petites choses qui arrivent sont partagées dans d'autres ateliers... Le récit peut permettre de relativiser nos erreurs ("ça arrive à plein de monde")... Mettre en mots permet également de contempler la somme de toutes les petites choses que nous accomplissons et permettons, dire peut permettre de faire des bilans persos ('''réflexivité: faire un retour'''), de gagner en confiance, de gagner en dignité (pour mieux percevoir et faire percevoir que derrière les chiffres des gens usent leur tête, leur corps, leur temps), de partager l'expérience avec d'autres qui ne viennent pas forcément à l'atelier (ami-es, familles, universitaires), de faire émerger de nouveaux sujets et de créer des passerelles avec d'autres engagements (L'écriture de récit a été un des outils de luttes de toutes les personnes invisibilisées: personnes colonisées, femmes, ouvrières...).<br />
<br />
Le récit permet de parler/repenser sa réalité avec ses mots, de maîtriser son image. De ne pas se laisser raconter par d'autres.<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre le "déni d'antériorité".''' ====<br />
<br />
Le '''déni d'antériorité''' est un concept de Fanny Bugnon. Elle remarque que les femmes violentes sont toujours considérées comme des cas nouveaux (et pathologiques) or elles ont toujours existé (et à chaque fois, pourtant, on dit d'elles qu'elles sont nouvelles). Le déni d'antériorité c'est nier l'histoire, la continuité, c'est s'indigner à chaque fois comme si c'était nouveau et insupportable. C'est donc remettre à plus tard la reconnaissance.<br />
Les ateliers de vélos sont souvent traités comme des petits nouveaux par les collectivités, les partis de gauche, les écologistes, les médias, etc. Or non, la prise de conscience écologique et les utopies concrètes, par exemple "les mutuelles", "les athénées", "les maisons du peuple", "les bourses du travail", '''"Les cercles de Gascogne"''', '''"les écoles modernes"''', etc. existent, au moins, dès le XIXe! Dans les années 1960 les Provos promeuvent le vélo en libre service. Dès les années 1970 des Vélorutions sont organisées. Et, en 1980 se créent les premiers ateliers d'auto-réparation de vélos... Nos initiatives s'inscrivent dans cette histoire, elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent, elles s'appuient sur des traditions, des pratiques, des expériences... Il est possible, grâce aux récits de se transmettre les expériences et la légitimité...<br />
<br />
Quelques questions intéressantes à se poser sont : Pourquoi cette histoire des alternatives n'émerge pas ? Pourquoi les partis de gauche ne s'y intéressent-ils pas davantage ? Qui gagne à cette invisibilité ? <br />
<br />
==== ''Raconter pour visibiliser'' ====<br />
<br />
''"Loin des yeux, loin du cœur"'' Lorsque l'atelier est fermé, on peut croire qu'il est fermé et s'il est fermé on peut penser que les personnes ne travaillent pas !<br />
Pendant les permanences, le travail c'est d'être disponible pour conseiller les personnes. Comment rendre compte de cette tâche ? (On peut même penser que si tout se passe bien il n'y a pas de travail... C'est quand ça ne marche pas qu'on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont derrière et qui font ceci et cela. Dans le texte "L'épaisseur sociale du présent" l'ethnologue dit qu'on vit du travail de celles et ceux qui nous ont précédés (qui a trouvé le local? L'a aménagé? L'a nettoyé? etc. Puis, qui continue de le faire pour les prochaines générations? (Le texte est top, il raconte comme un réseau d'amérindien-nes inscrit sa lutte sur un temps long, s'approprie le temps !!!)).<br />
Maria dit : ''''"Les gens peuvent défendre une bibliothèque, ils savent à quoi elle sert. Pour défendre les bibliothécaires ce sera plus dur."''''<br />
<br />
==== '''Raconter pour lutter contre les indicateurs quantitatifs''' ====<br />
<br />
Les personnes qui ne sont pas sur le terrain réclament souvent des indicateurs quantitatifs pour juger notre travail (collégiale, partenaires, financeurs, adhérents lors de l'AG). Mais comment rendre compte d'une ambiance avec de tels indicateurs ? Comment rendre compte d'une semaine particulière ? (Simon Cottin-Marx dit ''"Dans les assos les cas atypiques sont typiques"'', comment rendre compte de ça ?) De la spécificité de l'équipe ? Comment évaluer les activités avec des indicateurs qui ne nous correspondent pas, forgés par d'autres ?<br />
<br />
L'anthropologue James C. Scott décrit les biais des évaluations dans '''''Zomia''''' et '''''Petit éloge de l'anarchisme'''''. Il raconte l'histoire de personnes qui refusent de communiquer des infos pour ne pas se faire contrôler, pour rester libres... Or dans les associations il y a un éloge de la transparence... Alors, faut-il toujours communiquer les infos ? Et à qui ? <br />
<br />
Michel Foucault parle lui aussi de l'aspect néo-colonial du langage dominant. Pour plaire aux militants et aux financeurs on se met à parler comme eux, à utiliser leurs mots... Et à force, par glissement, on se met à penser comme eux, à partager leur agenda et leurs lubies... Ainsi, peu à peu, il peut y avoir une confusion entre leurs urgences, leurs visions du monde et les nôtres... De plus en plus de chargé·es de projets/coordinateurices se mettent à parler comme des manageurs, des financeurs ou des publicitaires (certes ils sont un peu obligés !). Mais est-ce que les personnes qui s'investissent à la base de l'atelier se reconnaissent dans ce langage ? Que provoque cet étrange vocabulaire chez elles ? Quelle impression produit cette injonction à suivre le calendrier des dates institutionnelles ? (C'est le problème de la '''violence symbolique''' des interlocuteurices trop en surplomb).<br />
<br />
==== Raconter l'asso dans la newsletter ====<br />
<br />
La newsletter peut être un endroit pour que se rencontrent le grand calendrier institutionnel de l'association (La SERD, l'AG, etc.) et les petites anecdotes du quotidien (les joies, les anniversaires, les micro-problèmes, les trucs drôles, les copinages, etc.).<br />
<br />
L'historien Howard Zinn (activiste contre la guerre au Vietnam et pour les Droits Civiques) est l'auteur de ''Une histoire populaire des Etats-Unis''<br />
À chaque fois il prend le contre-pied de l'Histoire officielle étasunienne... Il raconte l'histoire de la découverte de Colomb du point de vue des amérindien·nes, celle du développement économique par les esclaves noir·es, celle de la conquête de l'Ouest par les engagé·es chinois·es qui durent poser les rails des trains...<br />
La production de récits pourrait permettre de donner la parole aux petites mains de la Vélorution... À celles et ceux qui ont trié les caisses de pièces détachées, préparé du café, apaisé des conflits, effectué tâches administratives, etc.<br />
<br />
==== Quelques freins aux récits ====<br />
<br />
1 - Se dire que tout a été dit.<br />
<br />
2 - Se dire que ça n'intéresse personne (presque 1000 exemplaires de ''L'Atelier des miracles'' ont été vendus en un an, ce qui montre le contraire. Nos ateliers et ce qui s'y passe intéressent les gens ! Des éditeurs, des librairies, des bibliothèques, des universitaires, sont intéressé·es par le sujet... Foncez, écrivez !!!!!)).<br />
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3 - Se dire que ce que nous faisons n'est pas extraordinaire (Cf. '''''Petit éloge de la médiocrité''''' de Guillaume Meurice)... C'est les gens médiocres qui font tourner le monde et c'est la marge qui tient la page ! La télé est saturée de récit de gens géniaux, de monarques, d'héritier·es, de champion·nes, de milliardaires, de supers militant·es, qui ne disent pourtant pas grand chose d'extraordinaire... En laissant toute la place à ces récits individuels faussement exceptionnels on ne laisse pas de place aux gens ordinaires et aux gens qui ont su s'unir, malgré leurs défauts et leurs divergences, en collectifs... Les gens ordinaires, pas parfaits, sont la majorité... Pourquoi ne seraient-ils pas légitimes à parler ? Pourquoi sont-ils si inaudibles ?<br />
(Selon l'observatoire des inégalités: 65 % de ceux qui s’expriment à la télévision sont des cadres supérieurs, 2 % des ouvriers. Cette représentation, en complet décalage avec la composition de la société, construit une image déformée de la réalité sociale. https://www.inegalites.fr/Le-traitement-inegal-des-categories-sociales-a-la-television)<br />
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4 - Dans les assos on trouve souvent des personnes atteintes du '''syndrome de l'imposteur''' (elles prétendent qu'elles sont de passage, qu'elles n'ont pas vraiment le diplôme (ou pas celui qu'il faut), elles s'excusent de faire les choses à leur manière, elles prétextent qu'elles dépannent juste pour un moment, elles lèvent timidement la main pour parler...). Toutes ces personnes ne se sentent pas à l'aise pour témoigner, pas assez légitimes, elles ne se sentent pas représentatives (or comme dit David Graeber, dans '''''La démocratie à la marge''''' (C'est un tout petit livre), les assos sont des agrégats de minorités, donc personne n'est vraiment représentatif car s'y côtoient les farfelu·es, les personnes en situation de handicaps, les rêveur·ses, les révolutionnaires non aligné·es, des femmes, des féministes, des personnes LGBTQ+, des personnes étrangères (de plusieurs pays, pas tous-tes des mêmes catégories sociales...), des étudiant·es, des fauché·es, des voisin·es, des hippies, des punks, des retraité·es, des personnes exclues ailleurs)... <br />
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Beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes, et pourtant depuis des années elles font le travail et ça marche! Mais bien souvent elles ne se rendent pas compte du travail qu'elles fournissent (souvent gratuitement, au profit du collectif et/ou de la collectivité) car elles offrent quelques heures un jour de la semaine et sont donc privées de la vue d'ensemble. Alors le récit permet peut-être de faire les comptes et de se dire : ''"Aujourd'hui nous sommes deux bénévoles à l'atelier, mais deux autres sont aussi en ce moment en train de faire une animation à l'extérieur et une autre qui travaille de chez elle... et c'est comme ça toutes les semaines de toute l'année... Donc, beaucoup de personnes offrent du temps à l'asso... Ce que nous offrons est loin d'être négligeable ! Notre travail compte !"'').<br />
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Auto-dévalorisation (suite) : Dans les ateliers on dit souvent : ''"Je bricole"'', ''"Je bidouille"'', ''"C'est à l'arrache"'', '''"c'est bout de ficelles et compagnie"''', ''"Je viens donner un coup de main deux minutes"''... Souvent les gens ont un peu honte d'improviser alors que tous les jours les spécialistes, les journalistes et les politiciens, eux, le font ! ("Pourquoi d'un côté se trouve la confiance et de l'autre l'hésitation et le doute ?")<br />
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4 - Ne pas témoigner au début car on ne se sent pas légitime... Et ne pas témoigner ensuite car on pense que c'est trop tard... Cf. '''''La ferme des animaux''''' de Georges Orwell (Et '''''C'est pour la bonne cause''''' de Simon Cottin-Marx).<br />
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5 - Primo Levi dit que beaucoup de personnes ne témoignent pas car elles se sentent privilégiées (elles ont survécu et beaucoup d'autres non, elles ressentent de la honte car elles ont eu plus de chances). À l'atelier on peut aussi entendre ce genre de propos : "Nous n'avons pas à nous plaindre, pas à témoigner, nous sommes dans une bien meilleure position que les publics que nous recevons" ou bien "Nous avons choisi d'être ici donc nous n'avons rien à dire"... <br />
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Effectivement tout le monde ne peut pas témoigner, mais est-ce une raison pour ne pas essayer? L'atelier est un formidable endroit pour observer le monde, car beaucoup de personnes et beaucoup de thématiques s'y croisent (les marges s'y rencontrent)... De cette diversité nous pouvons témoigner. Et cette diversité et cette richesse ne sont-elle pas l'envers de l'enfer normalisé et sécuritaire que la société dominante nous propose ? ... Certes nous sommes plus privilégiés que certain·es, mais moins que d'autres ! <br />
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6 - Ne pas témoigner par '''"refus de parvenir"''', pour ne pas se distinguer du groupe, pour ne pas laisser penser qu'on est une "personne différente". Cette idée, bien que généreuse, peut faire qu'on reste assigné·e à la place d'apprenti·e toute la vie... C'est un peu la négation de la reconnaissance, de l'expérience, de l'expertise... A l'origine lorsque Albert Thierry forge son concept de "refus de parvenir" il réprouve la réussite individuelle mais avance que chacun-e doit s'évertuer à faire avancer toute la classe... La solidarité davantage que la méritocratie en quelque sorte.<br />
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==== Témoigner pour lutter contre l'air du temps. ====<br />
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La télé nous raconte tous les jours que les personnes s'entre-dévorent, que les communautés ne peuvent plus cohabiter, que les gens sont individualistes/égoïstes/désabusés/ignorants... Ces propos ont pour fonction de renforcer le chacun·e chez soi, la société de travail, de consommation, de compétition... D'encourager la défiance et l'apathie, de briser les solidarités, d’empêcher l'avènement d'initiatives plus autonomes...<br />
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Par le récit on peut valoriser ce qui se passe à l'atelier, déclarer : Tous les jours des personnes très différentes s'entraident, s'encouragent, inventent des astuces pour faire fonctionner des objets destinés à être jetés... On peut le marteler car, en même temps, il ne faut pas oublier que la droite elle aussi travaille à produire son récit :<br />
(Cf. Antonio Gramsci et son concept d''''Hégémonie Culturelle'''... La société a tendance à forger les personnes dont elle a besoin : des personnes qui respectent ses règles, ses institutions, ses valeurs, honnêtes et travailleuses...)<br />
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https://www.youtube.com/watch?v=WxduGqsmdqw&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info)<br />
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DE VILLIERS : UN RÉACTIONNAIRE PAS SI FOU<br />
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==== Ouverture ====<br />
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Les ateliers contribuent à beaucoup de choses, souvent des choses invisibles. Raconter permet de valoriser, de complexifier, d’intéresser des personnes extérieurs, de mieux comprendre, de transmettre... Les ateliers sont un refuge mais aussi un espace de résistance et un espace où s'invente d'autres manières de faire et d'imaginer...<br />
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==== '''Podcasts''' ====<br />
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Gueule de bois, le récit d'un menuisier.<br />
https://www.arteradio.com/son/61680449/gueule_de_bois<br />
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==== '''Livres''' ====<br />
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Aurel, ''La menuiserie'', Futuropolis, 2016<br />
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Tanquerelle, Benoit Yann, ''La Communauté [Intégrale]'', Futuropolis, 2010<br />
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Eribon Didier, ''Retour à Reims'', Fayard, 2009<br />
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Ernaux Annie, '''La place''', Gallimard, 2009<br />
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Altarriba Antonio, '''L'aile brisée''', Denoël, 2016<br />
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Goldman Emma, '''Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolution''', L'Echapée, 2018<br />
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Tous les livres des éditions Repas, notamment ''Le papier mâché, un restaurant-librairie autogéré (1978-1985)'' et '''La cantine des pyrénées en lutte'''.<br />
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<br />
'''L'épaisseur sociale du temps'''<br />
https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2014-1-page-75.htm#:~:text=Cette%20%C3%A9paisseur%20temporelle%20des%20luttes,au%20regard%20des%20g%C3%A9n%C3%A9rations%20pass%C3%A9es.</div>Benjamin